La polémique autour de la liste électorale en Côte d’Ivoire s’est aggravée vendredi avec l’ouverture d’une enquête judiciaire sur les soupçons de "fraude" visant la commission électorale, dont le chef Robert Beugré Mambé exclut de démissionner.
Reporté six fois depuis 2005, et censé mettre fin à la crise née en 2002 du coup d’Etat manqué de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), un scrutin présidentiel est officiellement prévu pour "fin février-début mars".
Premiers résultats "dans quelques jours"
Une "enquête de renseignement judiciaire" a été ouverte vendredi après les soupçons de "fraude" à la CEI, a déclaré à l’AFP le procureur d’Abidjan, Raymond Tchimou.
Le magistrat a promis de "donner les résultats dans quelques jours" et a exclu "toute arrestation de qui que ce soit, surtout des membres de la CEI".
Jeudi soir, le ministre de l’Intérieur Désiré Tagro avait annoncé avoir ordonné cette enquête.
Il s’agit de "vérifier si une entreprise parallèle de traitement des données de la liste électorale a été mise sur pied", selon ce proche du chef de l’Etat et figure du Front populaire ivoirien (FPI, parti présidentiel).
Pour le camp Gbagbo, le fichier controversé de la CEI – qui est dominée par l’opposition – aurait servi (ou pu servir) à avantager les rivaux du président-candidat en étant intégré à la liste électorale.
Document "non officiel" à "usage interne"
Très discret depuis l’éclatement de l’affaire, le président de la CEI, qui est issu de l’opposition, a pris la parole vendredi pour se défendre.
Le document contesté était à "usage interne" et "non officiel", a expliqué Robert Beugré Mambé lors d’une conférence de presse, assurant que la commission ne pouvait "en aucun cas" introduire irrégulièrement des noms sur la liste électorale.
Il a toutefois évoqué "une procédure interne d’enquête" si "par inadvertance" le fichier litigieux a circulé dans les antennes locales de la commission.
Selon la CEI, quelque 465. 000 requêtes ont été régulièrement validées pendant la période de traitement des contentieux – achevée samedi dernier – sur les 1,033 million de "cas litigieux", figurant parmi les quelque 6,4 millions de personnes recensées.
Alors que les partisans de Laurent Gbagbo exigent depuis plusieurs jours son départ, M. Mambé a exclu cette option: "je ne démissionnerai pas".
Répondant au ministre de l’Intérieur, ce membre du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, ex-parti unique) a estimé que "l’affaire est devenue politique". "Il semble même déjà qu’on connaît les conclusions de l’enquête", a-t-il glissé.
Ally Coulibaly, porte-parole du Rassemblement des républicains (RDR), l’autre grand parti d’opposition, a abondé dans son sens.
Le camp présidentiel cherche à "discréditer la CEI" et à "gagner du temps" pour retarder l’élection, a-t-il dit à l’AFP.
Dans ce contexte tendu – marqué aussi par l’annonce de manifestations de rues par les deux camps – le Premier ministre, chef des FN, a tenu une réunion avec des responsables ex-rebelles dans l’après-midi à Abidjan.
En début de semaine, Guillaume Soro s’était pourtant efforcé de calmer le jeu.
Il avait annoncé la mise en place de "comités de suivi" pour réexaminer le travail de la CEI sur le contentieux, et demandé le retrait du fichier controversé, le jugeant "nul et de nul effet".