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Procès Khaled Nezzar en Suisse : l’Algérie hausse le ton

Alger s’insurge contre la mise en accusation par la justice suisse de l’ancien ministre de la Défense. Et menace Berne d’en « tirer toutes les conséquences ».

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Mis à jour le 1 septembre 2023 à 11:53

L’ancien ministre algérien de la Défense, Khaled Nezzar, lors d’une conférence de presse à Alger, le 9 janvier 2016. © Ryad KRAMDI/AFP

Le ministère algérien des Affaires étrangères a réagi jeudi à la mise en accusation par la justice suisse de l’ex-ministre de la Défense Khaled Nezzar pour crimes contre l’humanité, laissant entendre que l’affaire pourrait aller jusqu’à provoquer une rupture des relations entre les deux pays.

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Khaled Nezzar, ministre de la Défense entre 1990 et 1993, aujourd’hui âgé de 85 ans, est soupçonné d’avoir approuvé et coordonné des actes de torture durant la guerre civile en Algérie dans les années 1990. Mardi, la justice suisse a annoncé l’inculpation de Nezzar, faisant valoir qu’il avait « placé des personnes de confiance à des positions clés et créé sciemment et délibérément des structures visant à exterminer l’opposition islamiste ».

Lors d’un entretien téléphonique avec son homologue suisse Ignazio Cassis, le chef de la diplomatie algérienne, Ahmed Attaf, a estimé que « l’indépendance de la justice ne justifie pas l’irresponsabilité et qu’un système judiciaire quel qu’il soit s’arroge le droit absolu pour juger des politiques d’un État souverain et indépendant », selon un communiqué de son ministère.

« Les limites de l’inadmissible »

« Cette affaire a atteint les limites de l’inadmissible et de l’intolérable », a-t-il ajouté, en espérant que « tout soit entrepris pour éviter que cette affaire n’entraîne les relations entre l’Algérie et la Suisse sur la voie de l’indésirable et de l’irréparable ». Et de poursuivre : « La justice suisse a offert avec beaucoup de légèreté une tribune aux terroristes, à leurs alliés et à leurs soutiens pour tenter de discréditer le combat honorable de notre pays contre le terrorisme. »

Alger estime que « la justice suisse procède à une lecture révisionniste de l’histoire de notre pays durant les années 1990 », fustigeant « des accusations outrancières et infondées ».

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Attaf, tout en soulignant que la gratitude de l’Algérie à l’égard de la Suisse demeure intacte s’agissant du rôle qu’elle a joué dans « le recouvrement par notre pays de son indépendance », a indiqué que « le gouvernement algérien est déterminé à […] tirer toutes les conséquences [de l’affaire Nezzar, ndlr], y compris celles qui sont loin d’être souhaitables pour l’avenir des relations algéro-suisses ». Une menace à peine voilées de rupture des relations diplomatiques avec la Suisse.

Une procédure classée puis relancée

Nezzar avait déjà été interpellé à Genève en octobre 2011, alors qu’il résidait en Suisse, à la suite d’une plainte déposée par une ONG suisse, avant d’être relâché. Il avait ensuite quitté la Confédération. En 2017, le procureur général avait classé la procédure au motif que la Suisse n’était pas compétente pour le juger, avant que la justice ne l’oblige, en 2018, à reprendre la procédure à la suite de la déposition d’un recours.

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Le Ministère public de la Confédération (MPC) a transmis lundi 28 août au Tribunal pénal fédéral (TPF) l’acte d’accusation visant le général à la retraite. Le TPF devra prendre connaissance de cet acte d’accusation visant l’ancien homme fort du régime algérien avant de fixer une date pour le procès. Selon la législation suisse, la transmission de ce document au TPF est l’avant-dernière étape avant la tenue d’un procès, l’acte d’accusation n’étant pas soumis à un recours devant une quelconque juridiction.

(Avec AFP)