Culture

Jeux de la francophonie : Salifus veut propulser le breaking de Kinshasa à Paris

Membre du jury hip-hop des Jeux en RDC, du 28 juillet au 6 août, le danseur burkinabè espère voir l’Afrique briller dans cette nouvelle discipline olympique en France en 2024.

Mis à jour le 30 août 2023 à 09:40

Le breack-dancer burkinabè Salifus. © Karism

Xtrême B-Boys, les Freestylers, Soul Body Ground, Technikal Crew… Ces noms n’évoquent pas grand-chose. Pourtant, ce sont ceux des pionniers de la danse hip-hop en Afrique de l’Ouest, et en particulier au Sénégal. Parmi eux, Seibany Salif Traoré, dit Salifus Kingdom, qui passe pour l’un des meilleurs danseurs de breaking du continent.

À l’aube des années 2000, ce Burkinabè d’origine, alors âgé de 15 ans, participe –sans le savoir – à la naissance du mouvement au pays de la Teranga. La scène est embryonnaire et n’en est qu’à ses balbutiements. « On n’avait pas d’internet, pas de structures, seulement une poignée de danseurs, se souvient-il. On regardait les grandes compétitions internationales, comme Battle of the Year (Boty), créée en Allemagne, grâce à des cassettes VHS, en rêvant d’y participer un jour. L’Afrique, elle, n’était jamais représentée. » En cause, les problèmes liés à la mobilité des artistes y étaient pour beaucoup, mais pas seulement. « Sur le continent, comme partout ailleurs, la danse hip-hop peine à être reconnue en tant que métier. »

Le breaking, enfin reconnu

Il aura fallu attendre vingt ans, une myriade de participations à des compétitions un peu partout dans le monde, des collaborations avec des grands noms de la musique, comme Angélique Kidjo ou Diamond Platnumz, pour voir Salifus, aujourd’hui âgé de 34 ans, défendre la discipline en tant que juré du concours de hip-hop de la 9édition des Jeux de la Francophonie, à Kinshasa. Et autant de temps pour que la break dance soit retenue comme discipline olympique, ce qui sera le cas pour la première fois aux JO 2024, à Paris. « C’est une reconnaissance pour la nouvelle génération, qui bénéficiera d’une vitrine », se réjouit le breakeur. Car, il en est persuadé, la compétition francophone donne aux Africains l’espoir de se voir propulser à Paris dans un an.

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Seul le festival Juste Debout, créé en 2002 à Paris pour promouvoir les danses hip-hop du monde entier, invitait pour la première fois six Africains (Ivoiriens et Sénégalais) à participer à son édition 2019, soit près de vingt ans après sa création. Cette année-là, sur la scène de l’Accor Arena étaient attendus BB sans Os (ancien danseur officiel de DJ Arafat) et Carton Rouge, membre de l’écurie Yorogang.

Tous les deux sont avant tout des danseurs de coupé-décalé. « Les danses urbaines africaines ne se limitent pas au coupé-décalé ! corrige Salifus, qui s’est formé à l’École des Sables, de Germaine Acogny, pour enrichir sa pratique. Cette méconnaissance de la scène breaking fait tiquer le chorégraphe, qui cite pêle-mêle Bboy Pape Salif Dieme, champion du Sénégal 2022, l’Ivoirien Bboy Delkrim, ou encore le Burkinabè Tchapratt parmi les nouveaux espoirs. « Heureusement, on assiste à une professionnalisation de la discipline », note-t-il.

Une écriture africaine

Récemment, les breakdancers marocains Bilal Mellakh et Fatima Zahra Elmamouny se sont qualifiés pour les JO après avoir remporté, à Rabat, en mai, le Championnat d’Afrique de breaking. « L’Afrique sera représentée à Paris. Mais gagner, c’est une autre affaire, nuance le pro de l’impro, également interprète pour plusieurs compagnies africaines et européennes. On a besoin d’infrastructures, d’un vrai cadre pour former les jeunes. »

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Ainsi, depuis 2016, il a mis sur pied le Festival international Bboy et Bgirl Africa (Fibba), du nom que l’on donne aux danseurs et danseuses de breaking. Objectif : promouvoir la discipline sur le continent, réunir les meilleurs athlètes et les talents de demain. Le Guyanais Dany Dann, actuel champion de France et d’Europe de breaking, a ainsi participé à l’une des éditions pour partager son expérience avec la relève. Idem pour le Congolais Bboy Junior, champion du monde (Battle of the Year 2001).

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Salifus lui-même organise des master class pour encourager les jeunes pousses à parfaire leur technique, et, surtout, à trouver leur style. « On a longtemps copié-collé ce que faisaient les Occidentaux. Aujourd’hui, on assume notre patrimoine culturel, en mixant volontiers nos danses traditionnelles, comme l’ambas-bay et le bikutsi du Cameroun, avec le toprock et le uprock, figures de base du breaking, explique-t-il. L’Afrique commence à avoir sa propre écriture, et nous, les anciens, nous en sommes fiers. »