C’est un grand classique des bisbilles entre limitrophes : les contentieux territoriaux alimentent les tensions entre nations, comme les frictions en matière de parcelles empoisonnent le voisinage. Dans le département du Mayo-Tsanaga, de la région de l’extrême nord du Cameroun, des habitants des localités de Mogode et Tourou ont dénoncé aux autorités les déplacements présumés de plusieurs centaines de mètres de bornes, sur le tracé de la frontière avec le Nigeria.
Ils affirment que des plantations, des édifices publics, des maisons d’habitation et des sites touristiques auraient été littéralement phagocytés par le territoire nigérian.
Enjeux économiques
La définition des limites frontalières étant un sujet sensible, une délégation tripartite s’est rendue sur les lieux du litige, les 4 et 5 juillet derniers. Un fonctionnaire des Nations unies était notamment accompagné de deux experts, un Camerounais et un Nigérian. Le groupe a rencontré les autorités du département, ainsi que les chefs traditionnels des villages concernés par le tracé : Karantchi, Yelle, Rhumsiki, Amsa, Mogode et Gouria. L’objectif était d’appeler au calme et de situer les faits.
Du lac Tchad à l’océan, la frontière entre le Cameroun et le Nigeria a régulièrement opposé les deux États, en raison d’enjeux économiques, notamment dans la zone de la péninsule de Bakassi et des eaux territoriales qui y sont rattachées. Le sous-sol y est riche en hydrocarbures. Le 10 octobre 2002, la Cour internationale de justice de La Haye (CIJ) avait tranché en attribuant Bakassi au Cameroun, zone effectivement rétrocédée en août 2008. L’accord global avait situé les frontières à nouveau discutées aujourd’hui.
La péninsule de Bakassi
En dépit de cette décision de 2002, les autorités de Lagos subissent toujours la pression de populations qui se considèrent souvent comme nigérianes, notamment les ressortissants des villages de Sina Gali et Wade, qui se plaignent de tracasseries des autorités administratives et militaires du Cameroun. En 2012, le Nigeria de Goodluck Jonathan avait à nouveau lorgné la péninsule de Bakassi. Un communiqué présidentiel avait annoncé la mise en place d’un comité chargé d’étudier la possibilité de faire appel de la décision de la CIJ, comme l’avait d’ailleurs réclamé le Sénat.
Si un « front pour l’auto-détermination de Bakassi » a vu le jour, le statu quo semble s’être imposé. Les questions de terres et de nationalités étant toujours explosives, la délégation de début juillet a tenu à veiller à la bonne implémentation des résolutions de la CIJ.