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Ghana, vie quotidienne, societe A woman carries a basin of plastic bags of water to sell to the Agbogbloshie waste dump’s ‘Burner Boys’ who extract metals from electronic waste by burning off the plastic cable sheaths
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Dans le domaine RSE, la lente montée en régime des entreprises africaines

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Économie

« La Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon et le Congo ont institué des lois sur la durabilité »

Si les stratégies d’entreprises tiennent de plus en plus compte de l’environnement, il manque encore trop souvent les compétences locales pour les mettre en œuvre sur le continent, selon Ghislaine Djapouop, associée au sein de PwC Afrique francophone.

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Mis à jour le 24 juillet 2023 à 11:23

Basée à Kinshasa, Ghislaine Djapouop est associée de PwC Afrique francophone. © PwC

Dans les due diligence, avant un investissement, comme dans les plans de transformation d’entreprise, les enjeux environnementaux prennent de plus en plus de place. Depuis Kinshasa, Ghislaine Djapouop, associée de PwC Afrique francophone, le constate au quotidien. Formée à Yaoundé, Dakar et Singapour, elle a rejoint le cabinet de conseil, qui fait partie des big four avec Deloitte, EY et KPMG, il y a plus de dix ans, travaillant sur des dossiers en Afrique du Sud, au Gabon, au Congo-Brazzaville, en Côte d’Ivoire, au Cameroun et en RD Congo.

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Couvrant dix pays d’Afrique centrale et d’Afrique de l’Ouest ainsi que Madagascar, et coordonnant l’activité de conseil au secteur public, elle expose les besoins des entreprises, géants étrangers comme PME locales, face à la transition environnementale.

Jeune Afrique : À quel point le volet vert prend-t-il de la place dans votre activité ?

Ghislaine Djapouop : Le mouvement est double. D’une part, nombre de nos clients s’interrogent sur l’impact de leur activité sur l’environnement. D’autre part, les règlementations mises en place dans différents pays et continents leur posent des problèmes organisationnels et opérationnels, sur lesquels, en tant que conseil, nous les accompagnons. La Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Gabon et le Congo ont déjà institué des lois sur la durabilité, qui ont un impact sur l’activité des entreprises avec lesquelles nous travaillons. Il en est de même des lois européennes et américaines auxquelles les multinationales doivent se conformer.

Et au sein de PwC ?

Nous vivons aussi ce changement en interne, puisque le groupe s’est engagé à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2030. Cela conduit chaque bureau à s’engager en fonction de ses capacités et de son environnement, à commencer par la publication annuelle d’un rapport environnement, social et gouvernance (ESG).

Quels sont les secteurs pour lesquels vous êtes le plus sollicités ?

En Afrique francophone, les demandes émanent majoritairement des secteurs réglementés, comme les hydrocarbures, l’électricité, les télécommunications et les mines, qui prennent les devants sur la RSE. Dans ce cadre, nombre de multinationales, qui ont un devoir de reporting et de transparence dans la diffusion des données, nous adressent des questions sur la manière de se conformer à la règlementation en train d’être instaurée. Par exemple, nous travaillons avec un acteur minier sur l’évaluation de l’impact global de son activité. L’environnement, qui ne figurait pas dans notre plan de travail au départ, y a été intégré.

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Quelles sont les contraintes dans la mise en œuvre des stratégies ESG ?

Le principal problème concerne les ressources humaines, les compétences nécessaires étant difficiles à trouver sur le continent. C’est un point délicat pour les grands groupes en particulier. Pour les acteurs plus modestes, l’obstacle est plutôt financier. Changer les manières de faire pour s’adapter à la transition peut être profitable à long terme mais coûte de l’argent à court terme. Un dernier écueil intervient quand les règles manquent de clarté, comme c’est le cas dans certains de nos pays. Les acteurs privés ont alors de la peine à comprendre ce qui doit être entrepris et dans quel but.

Au-delà de fixer ou clarifier le cadre réglementaire, quelles sont les attentes de vos clients vis-à-vis du secteur public ?

Elles portent sur les incitations en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME), qui, en l’état actuel, ne voient pas les bénéfices à tirer de l’adoption d’une démarche RSE. C’est notamment le cas face aux crédits carbone. Pour y remédier, on pourrait, par exemple, réduire les taux de taxation des investissements avec une composante verte afin de les encourager. L’autre attente concerne, sans surprise, les compétences. Il faut créer des cursus professionnels en ESG avec, notamment, des formations sur l’environnement. Ce sont des métiers demandés. Et d’autres cursus, dont ceux d’ingénieurs en pétrole et gaz ou architectes et urbanistes, doivent intégrer ce domaine.

Le Maroc en précurseur

Dans la démarche RSE, le royaume chérifien fait figure de pionnier sur le continent. L’impulsion est venue de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM), qui a élaboré un label RSE dès 2006. Celui-ci est octroyé à ses membres après la signature d’une charte du développement durable. « Ces avancées s’expliquent par la combinaison d’engagements forts des secteurs privé et public », souligne Abdou Diop, directeur de Mazars Audit & Conseil Maroc, rappelant que les efforts sur la décarbonation sont intervenus dans le pays avant l’émergence du débat sur le sujet en Europe.

« Des zones industrielles de plus en plus vertes se créent grâce aux énergies renouvelables, ce qui permet de réduire l’empreinte carbone et d’avancer vers l’efficacité énergétique », reprend-t-il. Le volontarisme de la CGEM s’est étendu au-delà des frontières, en 2016, lors de la COP 22, à travers le Marrakech Business Action for Climate (MBA4Climate), une rencontre de tous les patronats, y compris africains, pour s’engager en faveur du climat.
O. M.