En Algérie, 5 ans de prison requis en appel contre Ihsane El Kadi

Poursuivi pour « financement étranger de son entreprise », le journaliste est emprisonné depuis le 29 décembre.

Ihsane El Kadi. © DR

Publié le 4 juin 2023 Lecture : 4 minutes.

Le parquet a requis dimanche devant la Cour d’appel d’Alger la confirmation de la condamnation du patron de presse Ihsane El Kadi à 5 ans de prison, dont trois ferme. El Kadi, 63 ans, dirigeant d’un des derniers groupes de presse privés d’Algérie – qui comprend Radio M et le site d’information Maghreb Emergent – est poursuivi pour « financement étranger de son entreprise ».

Il est emprisonné depuis le 29 décembre. Son arrestation a suscité une vague de solidarité parmi ses collègues et les militants des droits humains en Algérie et en Europe. Le 2 avril, il avait été condamné en première instance à cinq années de prison dont deux avec sursis. Il est accusé « d’avoir reçu des sommes d’argent et des privilèges de la part de personnes et d’organisations dans le pays et à l’étranger afin de se livrer à des activités susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État et sa stabilité », avait alors indiqué la Cour d’Alger.

la suite après cette publicité

Confiscation de tous ses biens saisis

En première instance, le tribunal avait également prononcé la dissolution de sa société Interface Médias et la confiscation de tous ses biens saisis en plus d’amendes contre lui et ses entreprises. Dans une résolution adoptée le 11 mai, le Parlement européen a demandé la « libération immédiate et inconditionnelle » du patron de presse et appelé les autorités algériennes à respecter la liberté des médias.

Le Parlement algérien a réagi contre « une ingérence flagrante dans les affaires d’un pays souverain », exprimant son « rejet catégorique » du texte « rempli de terribles contre-vérités » voté par les eurodéputés.

« Violations de procédure »

Le procès en appel s’est tenu ce dimanche en présence de peu de soutiens. Seuls quelques journalistes se sont déplacés à la Cour d’Alger pour manifester leur solidarité. Étaient présents dans la salle d’audience, essentiellement, les employés de ses médias, quelques amis et les membres de sa famille.

Vêtu d’une chemise blanche, d’un pantalon sombre, le crâne rasé, le patron de presse a écouté les bras croisés les membres de sa défense énumérer  les « violations de procédure » constatées lors de son arrestation, de son placement sous mandat de dépôt, puis lors de la fermeture de ses médias. Ses avocats ont souligné notamment que les droits du journaliste ont été « bafoués » par la décision de la chambre d’accusation de se réunir sans leur présence et de refuser le pourvoi contre la mise en détention préventive de leur client.

la suite après cette publicité

À la barre, le détenu a expliqué qu’Interface Média disposait de 29 actionnaires et d’un conseil d’administration et qu’il assumait ses responsabilités conformément au règlement intérieur de cette entreprise commerciale, ajoutant que dans un contexte d’étranglement financier de l’entreprise – comptes bloqués, dette fiscale… – il avait fait appel à ses associés afin de continuer à exister. Sa fille Tin Hinan El Kadi, qui est actionnaire d’Interface Médias, lui fait parvenir un envoi échelonné de 25 000 livres sterling.

« Le fait que Tin Hinan vive en Angleterre ne fait pas de ses envois de fonds à une entreprises dont elle est actionnaire un financement étranger. L’argent, a suivi le parcours habituel utilisé par les Algériens qui consiste à échanger avec des particuliers des livres sterling contre des dinars algériens. Le marché parallèle de la devise existe au vu et su de tout le monde au square Port-Saïd et les autorités ferment les yeux », a plaidé la défense du journaliste.

la suite après cette publicité

Débat sur les financements

Dans le dossier figure un autre virement envoyé par un deuxième actionnaire, lequel est à la tête d’une association à Marseille. « C’est un membre du conseil d’administration qui a fait à l’entreprise une avance en attendant que les négociations autour d’un échéancier avec l’administration fiscale aboutissent », a confirmé Ihsane El Kadi. Le représentant du ministère public est alors intervenu pour préciser « que le contenu d’un échange via WhatsApp avec une partie étrangère évoque un financement étranger de la société Interface. »

L’acte d’accusation évoque également « une existence illégale de Radio M qui diffuse ses émissions depuis dix ans sans agrément », tandis que le président de la cour a précisé que le site et la radio « devait avoir un cachet économique mais ont débordé sur des sujets politiques ». « On ne peut pas débattre avec l’ancien chef du gouvernement Benbitour ou inviter, à l’époque, Ahmed Attaf qui vient d’être nommé ministre des Affaires étrangères sans parler de politique », a rétorqué l’accusé.

L’avocate Fetta Sadat a ensuite rappelé que la procédure en cours était « la quatrième contre Ihsane El Kadi » qui fait l’objet, selon elle, « d’un acharnement qui ne dit pas son nom. La vérité est que le contenu du média dérange les tenants du pouvoir. Pour grossir le dossier, on a ajouté un réquisitoire supplétif sur le contenu de ses médias et ont l’a arrêté de nuit comme s’il s’agissait de Pablo Escobar ».

Sourd à ces arguments, le parquet a demandé à l’application de la peine maximale prévue par la loi pour les chefs d’inculpation retenus contre le journaliste. Lequel a été condamné en avril, en première instance, à cinq années de prison dont trois ferme. Le verdict est attendu le 18 juin.

(Avec AFP)

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

En Algérie, 3 ans de prison ferme pour Ihsane El-Kadi

Contenus partenaires