Le 15 avril, le jour où le chef de l’armée, le général Abdel Fattah al-Burhane et le patron des paramilitaires, le général Mohamed Hamdane Daglo, dit Hemetti, débutaient les hostilités, ils étaient censés se retrouver pour des négociations. Depuis des semaines, la communauté internationale, ONU en tête, réclamaient que les deux hommes se mettent d’accord sur l’intégration des Forces de soutien rapide (FSR) d’Hemetti au sein de l’armée.
« Mensonges »
Alors que de nombreux observateurs prédisaient un échec des discussions, l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, proclamait lui son « optimisme » quant à une sortie de crise rapide. Le jour où a éclaté la guerre, il a admis avoir été « pris par surprise ».
Dans une lettre adressée à l’ONU dont l’AFP a consulté une copie, le général Burhane l’accuse d’avoir « dissimulé » dans ses rapports à l’ONU la situation explosive à Khartoum. Sans ces « mensonges », le général « Daglo n’aurait pas lancé ses opérations militaires », poursuit la lettre.
Le secrétaire général des Nations unies, António Guterres, s’est dit « choqué » par la lettre, témoignant de « son entière confiance » à son émissaire.
Instrumentalisation
Volker Perthes, récemment parti pour New York, « pourrait ne pas pouvoir revenir au Soudan et le savait sûrement en partant », assure la chercheuse Kholood Khair. Selon elle, le poids des islamistes dans le camp de Burhane ne cesse d’augmenter et l’octroi ou non du visa d’entrée à Volker Perthes « sera un test décisif pour jauger » de leur résurgence.
Depuis le putsch de 2021, des milliers de personnes soutenant l’armée et les islamistes ont manifesté pour réclamer le départ de Volker Perthes du Soudan. Lundi à New York, ce dernier a rétorqué que les responsables des violences étaient « les deux généraux en guerre » et non l’ONU.
Les pro-démocratie accusent de longue date le général Burhane d’être instrumentalisé par les islamistes du régime d’Omar el-Béchir. Ils en veulent pour preuve le retour aux affaires de plusieurs responsables de la dictature militaro-islamiste depuis le putsch, grâce auquel les deux généraux aujourd’hui rivaux ont définitivement écarté du pouvoir les civils.
Réseau islamiste
Le chercheur Alex de Waal estime aussi que, depuis le début de la guerre, le poids des islamistes derrière Burhane est plus criant encore. Ses soutiens sont « un réseau (…) de sociétés, banques et compagnies de télécommunication tenues par des islamistes, des officiers du renseignement ou l’armée elle-même », assure-t-il.
Le général Daglo joue d’ailleurs de cette rhétorique. Il répète combattre « les islamistes » et les « vestiges de l’ancien régime » et se fait le chantre de « la démocratie » et des « droits humains », alors même que ses milliers d’hommes sont accusés d’avoir commis des atrocités pour le compte de Béchir dans la guerre du Darfour.
Malgré tout, le camp de l’armée semble divisé. Au moment où le général Burhane réclamait le limogeage de Volker Perthes, son nouveau numéro deux, l’ex-chef rebelle Malik Agar, discutait d’une sortie de crise avec l’émissaire onusien.
Rappel des retraités
En attendant, l’armée a rappelé vendredi sous les drapeaux tous les retraités, auxquels elle a promis des armes et des munitions. Les FSR ont dénoncé « une décision dangereuse » et accusé l’armée d’avoir mené de nouveaux raids aériens en violation de la trêve.
Une énième trêve est entrée en vigueur lundi soir au Soudan pour laisser passer civils en fuite et aide humanitaire. Mais comme les autres, elle n’a pas abouti à une baisse significative des combats.
Depuis le 15 avril, la guerre a fait plus de 1 800 morts, selon l’ONG ACLED. Et, selon l’ONU, plus d’un million de déplacés et de 300 000 réfugiés.
(Avec AFP)