Économie

Pour contourner les sanctions, la Russie propose aux pays de la région Mena d’échanger en monnaies nationales

Moscou a invité les membres de la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord) à utiliser des devises nationales pour leur commerce avec la Russie.

Mis à jour le 9 mai 2023 à 17:06
Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

© Damien Glez

Dans la Russie contemporaine soumise à des boycotts divers – depuis 2014, et plus encore depuis la guerre en Ukraine –, les décisions politiques ont des dimensions économiques et les choix économiques des visées géopolitiques. Au-delà de ses alliés de premier plan, Vladimir Poutine cherche à diversifier ses partenariats pour obtenir de la bienveillance diplomatique, tout autant que des voies de contournements des sanctions économiques.

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De même qu’elle lance de multiples signaux à l’Afrique subsaharienne, la Russie s’intéresse de près à la région Mena (Moyen-Orient et Afrique du Nord, parmi lesquels le Maroc, la Tunisie, ou encore l’Algérie), dont font partie, notamment, les deux tiers des nations de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), soit 60 % des réserves mondiales de pétrole et 45 % de celles de gaz naturel.

Contourner le dollar et l’euro

Moscou ne pouvait donc manquer la conférence d’investissement annuelle, (Annual Investment Meeting – AIM), qui se tient du 8 au 10 mai, à Abou Dhabi aux Émirats arabes unis, et se présente comme la « première plateforme d’investissement au monde ». C’est le ministre russe du Développement économique qui a fait le déplacement avec, dans la poche, une proposition de nature à flatter l’égo de ses interlocuteurs, tout autant qu’à contourner certains rouages occidentaux du système économique mondial.

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Dans ses propos rapportés par l’agence de presse russe publique Tass, Maxim Reshetnikov affirme que les bourses russes sont prêtes à échanger des monnaies comme le dirham de son hôte du jour, les Émirats arabes unis, mais aussi le manat azerbaïdjanais ou la livre égyptienne. Et le ministre d’encourager, avec son pays, les transactions en monnaies nationales…

Monnaies et géopolitique

Ce souhait n’est pas un détail, lorsqu’on connaît le taux de circulation du dollar américain, de la livre sterling ou de l’euro, notamment sur le territoire égyptien très lié au tourisme international. Et le changement de certains paradigmes de change pourrait concerner des transactions de plus en plus importantes. Le ministre russe, présent à Abou Dhabi, assure que les échanges commerciaux entre son pays et ceux de la région Mena ont augmenté de 83 % en cinq ans, du fait de partenariats bilatéraux dynamisés, mais aussi de collaborations recalibrées via l’Organisation de la coopération islamique.

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Si l’objectif de cette stratégie russe est, en partie, de contourner les sanctions occidentales, chaque partenaire interpellé devra évaluer son intérêt spécifique, au regard de l’impact monétaire strict des opérations de change, mais aussi au regard de ses relations géopolitiques avec les pays qui tentent d’isoler l’économie russe. Les Émirats arabes unis, qui accueillent l’Annual Investment Meeting, sont un partenaire régional stratégique de Washington depuis des décennies. Dans un monde aux évolutions incertaines, le chemin de crête du non-alignement est étroit…