Économie

« Le financement des fintechs africaines demeure un défi majeur »

Il est désormais impératif d’explorer des horizons novateurs et diversifiés pour insuffler une vitalité nouvelle aux start-up financières sur le continent, recommande Ismaël Cissé, directeur général et fondateur de Sirius Capital.

Mis à jour le 4 mai 2023 à 17:32
Ismaël Cissé

Par Ismaël Cissé

CEO et fondateur de Sirius Capital

© AdobeStock

L’industrie des fintech en Afrique connaît une croissance fulgurante. Défiant les obstacles politiques et économiques, elle a révolutionné les services financiers traditionnels. En témoigne l’évolution exponentielle du nombre de start-up technologiques, dont la moitié sont issues de ce secteur, générant des revenus considérables et affichant un potentiel de croissance prometteur.

À Lire Néobanques, mobile money… Les futurs leaders africains de la fintech

Du Cap au Caire, la fintech est devenue une force majeure qui améliore l’inclusion financière et sert de catalyseur à l’émergence d’innovations dans d’autres secteurs, tels que l’agriculture, l’énergie, les transports et les infrastructures.

Un marché à 230 milliards de dollars

Face à cet essor, les perspectives apparaissent reluisantes : une croissance annuelle à deux chiffres et un marché des services financiers estimé à 230 milliards de dollars d’ici à 2025, selon le cabinet McKinsey. Les fintechs africaines pourraient ainsi générer des revenus jusqu’à huit fois supérieurs à ceux de 2020.

Malgré un intérêt croissant de la part des investisseurs locaux et internationaux, qui a permis au secteur de devenir un pôle d’investissement en soi, son financement demeure un défi majeur, alors qu’il traverse un ralentissement depuis l’année dernière en raison des dynamiques économiques mondiales.

À Lire Fintech : après les années fastes, le temps de la sobriété

Ainsi, face aux perspectives de croissance significative dans les années à venir – 90 % des transactions en Afrique sont toujours effectuées en espèces –, l’insuffisance de financement constitue un frein majeur à l’évolution de l’industrie.

Fonds dédiés, financements alternatifs…

Dans ce contexte défavorable, il est essentiel de mettre en œuvre une approche globale et innovante pour surmonter les obstacles financiers auxquels sont confrontées les fintechs africaines.

Premièrement, la création de fonds d’investissement spécialisés constituerait un tournant décisif. Cela requiert une collaboration étroite entre les gouvernements africains et les partenaires internationaux comme les banques publiques de développement ou les banques multilatérales qui, elles, disposent de ressources longues. En offrant des garanties aux investisseurs privés, ces fonds pourraient atténuer les risques et renforcer la confiance dans l’écosystème fintech africain.

À Lire Fintech : quand les start-up chassent les cadres des télécoms

Deuxièmement, le soutien et la promotion de mécanismes de financement alternatifs, tels que le financement participatif (crowdfunding), le prêt participatif (crowdlending) et l’equity crowdfunding, sont essentiels. Ces options flexibles pourraient s’avérer être une bouée de sauvetage pour les jeunes pousses en quête de capitaux.

Encourager la participation locale

Troisièmement, nous considérons que l’encouragement de la participation locale au financement par capital-risque est primordial pour diversifier les sources de financement et renforcer la résilience de l’industrie fintech en Afrique, tout en favorisant la souveraineté financière du continent. En effet, actuellement, près de 70 % des transactions de start-up fintech sont financées par des investisseurs non-africains, principalement en Amérique du Nord.

À Lire Start-up et financement : un bond du capital-risque à relativiser en Afrique

En promouvant l’investissement local, nous pouvons renforcer la capacité de l’Afrique à financer sa propre croissance et réduire sa dépendance aux marchés internationaux, tout en encourageant le développement d’un écosystème durable et prospère.

Cocher ces cases devrait favoriser une croissance économique inclusive et durable sur le continent

Enfin, nous préconisons la mise en place d’un cadre réglementaire et fiscal favorable, primordial pour stimuler l’investissement dans la fintech africaine. Un environnement incitatif pourrait encourager les banques traditionnelles et autres entreprises à s’investir dans l’écosystème, favorisant ainsi l’émergence d’un secteur dynamique et innovant sur le continent.

Cocher ces cases devrait favoriser une croissance économique inclusive et durable, améliorant ainsi le niveau de vie des populations grâce à un accès simplifié aux services financiers. Afin d’y parvenir, nous encourageons les acteurs financiers et les décideurs à unir leurs efforts et à adopter des approches innovantes. Cela permettra de créer un futur plus prospère et plus inclusif en Afrique, où la technologie financière jouera un rôle essentiel dans l’autonomisation économique et sociale de millions de personnes.