Société

Des nationalistes afro-américains accusés d’être des agents de la Russie

Le ministère américain de la Justice vient d’enclencher une procédure judiciaire contre des membres de l’African People’s Socialist Party (APSP) et du Uhuru Movement.

Mis à jour le 24 avril 2023 à 13:44
Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

© Damien Glez

La quête de soutiens africains à la politique russe actuelle est-elle une partie de billard à plusieurs bandes ? Directement et indirectement, il est devenu clair que la Russie de Vladimir Poutine faisait assaut d’affection, ces derniers mois, envers l’Afrique. Tente-t-elle de rallier également l’autoproclamé « peuple africain » des États-Unis ?

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C’est ce que pense manifestement le ministère américain de la Justice, qui a mis en examen, ce 18 avril, le fondateur et trois membres de l’African People’s Socialist Party (APSP), groupe nationaliste afro-américain, entité proche du mouvement noir des Black Panthers et également à l’origine du Uhuru Movement, qui présenta des candidats à des élections locales. Signe du destin ? Le parti a été créé à Saint Petersburg, ville… américaine du comté de Pinellas.

Premier amendement

Omali Yeshitela, Penny Joanne Hess, Jesse Nevel et Augustus Romain sont soupçonnés d’être ou d’avoir été des agents rémunérés de l’actuelle Fédération de Russie. Sur le plan idéologique, la tête de pont de ce groupe d’inculpés est plus directe que le discours africain empreint de prudence. Il y a juste un an, Yeshitela affirmait publiquement que le Parti socialiste populaire africain appelait « à l’unité avec la Russie dans sa guerre défensive en Ukraine contre les puissances coloniales mondiales »…

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Sur le plan judiciaire, il est évidemment moins question d’opinions géopolitiques protégées par le premier amendement de la Constitution américaine que de présumées opérations rémunérées de déstabilisation. Si le prévenu Augustus Romain est suspecté d’avoir reçu des fonds d’un certain Alexander Ionov, citoyen russe ayant travaillé pour le Kremlin sous couverture, « pour promouvoir les intérêts de la Russie en relation avec l’invasion russe de l’Ukraine », le dossier de l’accusation cerne des activités plus anciennes.

« Conspiration contre les intérêts américains »

En 2016, les services secrets russes auraient participé au financement d’une tournée de manifestations organisées par l’APSP pour soutenir une « pétition sur le crime de génocide contre le peuple africain aux États-Unis ». Par ailleurs, les prévenus auraient tenté de « corrompre » des élections américaines, locales en 2017 et 2019, en Floride, et nationales en 2020. Il s’agirait alors de « conspiration contre les intérêts américains », infraction majeure qui pourrait conduire à des condamnations jusqu’à dix ans de prison.

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Si l’on en croit le comédien Morgan Freeman, le lien entre les mouvements dits « afro-américains » et le continent africain semble plus que théorique. Engagé sur les questions du racisme, le comédien jugeait « insultant », ce 15 avril dans le « Sunday Times Culture », le terme « Afro-Américain », l’Afrique étant un continent, contrairement aux États-Unis. Une invitation indirecte à ne pas considérer l’Afrique comme un wagon à rattacher à une supposée locomotive des mouvements africains-américains ?