Trois jours après son arrestation, le chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, Rached Ghannouchi, a été placé sous mandat de dépôt le 20 avril.
C’est à l’issue d’un interrogatoire de plus de 9 heures que, selon ses avocats, un juge d’instruction a décidé d’émettre un mandat de dépôt pour incarcérer formellement le principal opposant au président Kaïs Saïed en Tunisie.
« Effondrement des libertés »
Le Front de salut national (FSN), coalition d’opposition dont fait partie Ennahdha, a affirmé que le juge a invoqué notamment le motif de « complot contre la sécurité de l’État » pour écrouer Ghannouchi. Le FSN a dénoncé « un effondrement des libertés dans le pays », soulignant que le chef d’Ennhadha n’avait fait qu’émettre « une opinion dans un séminaire organisé par le FSN ». Pour l’opposition, le pouvoir « a fini par criminaliser la liberté d’expression et d’activité politique pacifique, preuve de son échec à préparer un dossier judiciaire sérieux ».
Dans un communiqué, Ennahdha a rejeté toute intention de Rached Ghannouchi d’appeler à la guerre civile, disant « condamner fermement une décision injuste qui a pour but de couvrir l’échec total du pouvoir à améliorer les conditions économiques des citoyens ».
Les États-Unis, l’Union européenne et la France se sont inquiétés de la situation dans le pays, amenant Kaïs Saied à rejeter fermement les critiques dans une vidéo diffusée par la présidence le 20 avril au soir. « Certaines capitales ont exprimé leur inquiétude. Pourquoi le font-ils alors qu’il s’agit d’un appel à la guerre civile et la loi a été appliquée par des juges honnêtes », interroge-t-il. « Cette ingérence flagrante dans nos affaires est inacceptable. Nous sommes un pays indépendant et souverain et nous n’acceptons pas que quiconque s’ingère dans nos affaires. » « Nous ne sommes ni un État colonisé ni sous mandat », a-t-il averti.
« Diktats »
Les Tunisiens voient leurs conditions économiques se dégrader du fait d’une inflation galopante, supérieure à 10 % sur un an. Pour renflouer les caisses d’un État endetté à hauteur de 80 % du PIB, le gouvernement négocie depuis des mois un crédit de près de 2 milliards de dollars du Fonds monétaire international, susceptible de débloquer d’autres aides étrangères.
Début avril, Kaïs Saïed a dit rejeter les « diktats » du Fonds qui a conditionné l’octroi de ce nouveau prêt à une série de réformes économiques dont la restructuration des entreprises publiques et la levée de subventions étatiques sur certains produits de base.
(avec AFP)