Le cancer du sein est le cancer le plus diagnostiqué au monde depuis trois ans. Avec plus de 129 400 nouveaux cas en 2020, il est le premier cancer de la femme dans 27 des 48 pays d’Afrique subsaharienne et la première cause de mortalité par cancer chez la femme dans 19 de ces pays. Et avec une population estimée à 1,18 milliards d’habitants pour 48 pays, l’Afrique subsaharienne (ASS) représente 14 % de la population mondiale. Cette population pourrait doubler d’ici à 2050 et atteindre 22 % de la population mondiale.
Ainsi, le fardeau lié au cancer du sein en matière d’incidence et de mortalité devrait très rapidement s’alourdir dans les prochaines décennies, au vu de l’occidentalisation des modes de vie et de l’allongement de l’espérance de vie observés sur le continent Africain, et constituer de fait un obstacle à l’atteinte des Objectifs de développement durable (ODD).
Problème d’équité
Le cancer du sein en ASS pose par ailleurs un problème majeur d’équité. En effet, bien que le nombre de nouveaux cas rapporté à la population y soit encore parmi les plus faibles au monde, la mortalité y est la plus élevée, témoignant d’une survie particulièrement faible. Plusieurs raisons peuvent expliquer cette apparente « surmortalité par cancer du sein des femmes d’ASS ».
La première particularité est inhérente aux femmes noires. Une étude menée aux États-Unis, en 2012, a montré que la mortalité par cancer du sein est 42 % plus élevée chez les Américaines noires que chez les Américaines blanches. Même si certains facteurs socio-économiques peuvent partiellement expliquer cette différence, les femmes noires américaines et, plus généralement, les femmes noires vivant dans les pays occidentaux sont réputées pour développer des cancers du sein plus agressifs et par conséquent plus létaux que ceux des femmes issues d’autres origines ethniques, dans ces mêmes régions. Pour certains auteurs, le cancer du sein est la plus remarquable des disparités en oncologie basées sur l’ethnicité.
En plus de cette susceptibilité – on serait tenté de dire injustice ! – qui semble caractériser les populations Afro-descendantes, les femmes noires vivant en ASS vont être vulnérabilisées par des facteurs délétères supplémentaires parmi lesquels : des considérations socioculturelles spécifiques et péjoratives – le cancer du sein et son traitement sont encore tabous ou stigmatisants dans certaines communautés ; l’absence de programmes de dépistage organisés dans de nombreux pays d’ASS ; la faible accessibilité économique et géographique aux moyens de diagnostic et de traitement, qui a été aggravée par la pandémie liée au Covid-19 et plus récemment les différentes crises à l’échelle globale ; les crises et l’instabilité militaro-politiques chroniques dans certains pays. Ces facteurs constituent des obstacles insurmontables pour les femmes rurales, celles-là même qui sont le plus souvent très pauvres et habitent dans les déserts médicaux du continent.