Le 12 janvier, au terme d’une assemblée plénière de trois jours, la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) a publié à Kinshasa un « message aux fidèles catholiques et à l’ensemble du peuple congolais ». Elle y conteste la crédibilité des résultats de la présidentielle du 28 novembre dernier et apporte tout son soutien au cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, critiqué avec virulence par le pouvoir depuis sa déclaration similaire, le 12 décembre. En novembre 2010, quelques jours avant qu’il ne soit créé cardinal par Benoît XVI, il déclarait à des confrères : « Je n’aurai pas peur d’annoncer l’Évangile. Je n’aurai pas peur de dénoncer, bien qu’en des termes courtois, mais des termes fermes, suffisamment clairs. »
Après sa sortie remarquée du 12 décembre, le prélat prenait le chemin de Rome. Certains y ont vu une convocation du pape pour lui remonter les bretelles. « Ce n’est pas vrai, confie l’un de ses proches. Benoît XVI savait déjà que le cardinal allait prendre cette position. Radio Vatican a réservé un large écho à ses propos. Ensuite, il a été nommé, au cours de ce déplacement, membre du Conseil pontifical de la culture et de la communication. » Revenu à Kinshasa, l’archevêque a suivi, « d’abord sereinement », le lynchage médiatique orchestré par le pouvoir. Puis « il a été peiné de voir certaines personnalités pour lesquelles il avait du respect passer à la télévision nationale pour débiter des inepties », selon un membre de son entourage. La contre-offensive est arrivée le 7 janvier. Dans l’avant-midi de ce jour-là, une messe est célébrée à la paroisse Saint-Joseph, à Matonge.
Jusqu’où peut aller Monsengwo en RDC
L’abbé Pierre Bosangia lit une homélie au ton ferme : « S’il est vrai que "toute autorité vient de Dieu" […], il n’en est pas moins vrai que tout exercice de l’autorité ne vient pas de Dieu. Car, on le sait, l’on ne peut obéir qu’à une autorité légitime et à des lois justes, et non, par exemple, à une prescription issue de la tricherie. » Cette homélie a-t-elle été inspirée par le cardinal ? « Non, répond l’un des concepteurs du texte. C’est le fruit d’une concertation au niveau de l’archevêché, à laquelle des laïcs ont également participé. » Jusqu’où le primat peut-il aller ? « Pas plus loin que la dénonciation de l’imposture et de la tricherie. Le dernier mot appartient au peuple », souligne notre interlocuteur.
Dans les années 1990, en sa qualité de président de la Conférence épiscopale du Zaïre, l’actuel cardinal avait présidé les travaux de la Conférence nationale souveraine, jusqu’à devenir président du Haut Conseil de la République-Parlement de transition. Il dut essuyer de nombreuses critiques. On l’accusait de rechercher une troisième voie, un troisième homme qui ne devait être ni Mobutu ni Tshisekedi, mais Kengo wa Dondo (la même accusation a été reprise par les kabilistes). Pourtant, affirme l’ancien ministre des Affaires étrangères Kamanda wa Kamanda, « il voulait simplement trouver une voie médiane entre le radicalisme de Tshisekedi et l’intransigeance des faucons mobutistes ».
Ses relations avec Laurent-Désiré Kabila n’ont pas été des meilleures. À l’époque archevêque de Kisangani, il se vit plus d’une fois confisquer son passeport. Avec l’actuel président, c’est un autre type de relations, mi-figue, mi-raisin. Les moments les plus critiques restent la dénonciation par le cardinal, en février 2011, de la révision constitutionnelle. Et son absence remarquée aux cérémonies marquant le 10e anniversaire de l’assassinat de Laurent-Désiré Kabila. À bientôt 73 ans, le cardinal, féru de musicologie et polyglotte (il parle quatorze langues), est plus que jamais combatif.