Avec Chef N-Zem, la gastronomie comme à la maison

Ses « recettes de la flemme » revues version premium rencontrent un succès fou sur Instagram. Nabil Zemmouri dévoile son parcours à JA.

Le chef Nabil Zemmouri en cuisine. © Courtesy Nabil Zemmouri

Publié le 31 mars 2023 Lecture : 5 minutes.

À l’évocation d’un menu chips coca pour le dîner, on se dit tout de suite que celui qui nous invite est touché par une immense flemme de faire un effort culinaire, n’est-ce pas ? Le chef N-Zem, de son nom complet Nabil Zemmouri, pourrait bien vous faire changer d’avis. En ce moment, le pari de ce trentenaire d’origine algérienne, c’est de revisiter des « recettes de la flemme » en version gastronomique, et cela ne manque pas de faire son effet… Ses vidéos hypnotisantes ont conquis nombre d’abonnés Instagram – il a 468 000 followers –, sans parler des utilisateurs de la plateforme Tik Tok, sur laquelle il a déjà récolté plus de 15 millions de « j’aime », et où il frôle le million d’abonnés !

Entre trois cuissons de pommes de terre apéritives fourrées aux légumes, en fritures et infusées à la fécule – bien loin des traditionnelles Vico sous emballage plastique, donc –, Nabil Zemmouri s’est confié sur son parcours.

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Commis de cuisine de sa mère

S’il est aujourd’hui connu pour ses prouesses en matière de bien-manger, on est curieux de savoir comment Nabil Zemmouri a découvert la cuisine. Il est l’aîné de sept enfants, alors forcément, pour faire manger tout ce petit monde, les repas nécessitent une certaine organisation. Dès tout petit, il se retrouve commis aux côtés de sa mère. « En réalité, c’était surtout pour les tâches ingrates que je restais avec elle en cuisine : je jetais les épluchures », sourit-il. Elle est la reine des gougères au comté, de la blanquette de veau piquée aux clous de girofle, ou encore d’un flan pâtissier à l’orientale, avec de la pistache, de la rose, des amandes et du citron vert.

Quand il est l’heure de servir la grande famille, elle a coutume de dire : « C’est Nabil qui a tout préparé. » Dans les yeux de la mère brille la fierté, et dans ceux de l’enfant le désir d’en faire un peu plus au prochain plat. Il l’observe et reproduit ses gestes, avec l’envie de se prêter au jeu. Il monte en grade : il a le droit de presser l’ail, de mélanger la béchamel, et même de (tenter) ses propres recettes. Sa première ? Un chausson aux pommes, parce qu’elle adore ça. « J’ai coupé une pomme en deux et j’ai fourré la pâte feuilletée, persuadé qu’une fois passé au four ça se transformerait en compote… », se moque-t-il gentiment. Le résultat n’a rien à voir avec celui de la boulangerie, mais donne naissance à son dessert signature, légèrement retravaillé depuis : « Un chausson avec une moitié de pomme, que je badigeonne en amont d’un caramel au basilic », précise-t-il.

Ambiance militaire en école hôtelière

À l’âge où l’on choisit sa voie, Nabil a du mal à se positionner : « Le CAP cuisine n’a pas la meilleure réputation », glisse-t-il. D’autant qu’être un homme et vouloir passer sa vie en cuisine n’est pas facile à assumer à l’adolescence. « C’était un peu mon jardin secret », confie-t-il. Il suit une filière littéraire en lycée général et opte pour un BTS commerce, qui l’ennuie bien vite. Jeune adulte, il s’inscrit finalement dans une école hôtelière à Montargis, mais l’expérience est de courte durée, l’humour de Nabil – dont témoignent toutes ses vidéos – n’est pas franchement compatible avec l’ambiance militaire qui y règne. « Je n’avais rien d’un délinquant, mais je faisais l’idiot pour amuser la galerie, ça ne collait pas avec les règles à l’ancienne de l’établissement. J’ai été viré. » La bonne nouvelle, c’est qu’à ce stade il est sûr de vouloir faire quelque chose de cette passion, et que le regard des autres lui importe moins. « Tout le monde savait que j’aimais cuisiner et que je faisais des bonnes choses. »

Alors, il contacte cet oncle, qui connaît l’architecte du chef Gilles Goujon, pour demander une petite place d’assistant aux fourneaux, en stage. Il a 21 ans et la requête est acceptée. Il est accueilli dans les cuisines du meilleur ouvrier de France, à l’Auberge du vieux puits. Sans expérience, il est installé tout en bas de l’échelle, au stand « tâches ingrates ». Mais qu’importe, il observe, apprend, et constate : « Ici ce n’est pas de la cuisine, c’est de l’art. » L’atmosphère est rude mais les quelques mois qu’il y passe suffisent à le convaincre de suivre cette voie. L’étape d’après, c’est la préparation d’un concours pour devenir chef à domicile, qu’il obtient.

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Bientôt chef attitré de personnalités publiques, qui se parlent de ses talents, Nabil Zemmouri ne tient pas longtemps en place. Les expériences s’enchaînent, il prend un poste dans le restaurant d’une maison d’hôtes, La Minotte, dans les Yvelines, et se lance en parallèle sur les réseaux sociaux.

Omelette aux chips

Il commence à alimenter ses comptes avec un premier concept : expliquer comment sont nés la crème brûlée, le gratin dauphinois, le hachis parmentier… Et quand le projet fatigue, il a une nouvelle idée, cette fois inspirée de son travail au restaurant, « comment cuisiner anti-gaspi ? »

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« Je travaille l’intégralité du produit à la Minotte, je cherche le moyen de m’en servir à 100 %. Par exemple, le vert du chou-fleur, que l’on jette en général, peut aussi être mis à profit dans un curry vert aux épices thaï et au lait de coco, en ajoutant une viande si on le souhaite, avec du basilic et du sésame. » Pourquoi ne pas enseigner ce genre d’astuce aux internautes ? La cuisine anti-gaspillage a désormais son compte Instagram spécialisé et il  fait un carton. Naît alors un nouveau projet : transformer des « recettes de la flemme » en recettes gastronomiques.

Cette idée ne vient pas de nulle part, elle est inspirée de sa madeleine de Proust, un souvenir culinaire d’enfance qui lui tient à cœur. Une omelette aux chips, que son père leur cuisinait quand leur mère travaillait. Il reconnaît que « c’est une hérésie ». « Mais on aimait ça, la chips n’était pas tout à fait ramollie et c’était légèrement croustillant”. La vidéo de sa version « un peu plus raffinée » a beaucoup de succès. Ses chips farcies rencontrent des tranches d’omelette japonaise fourrée aux œufs brouillés cuits à l’ancienne et parfumés au poivre et à la muscade, une émulsion de comté venant couronner le tout.

Sandwich de cachir à la harissa

Il surfe sur l’idée, en proposant aux internautes de partager leurs « repas sans effort ». C’est dans cette veine qu’il donne un coup de fouet au basique sandwich de cachir, un saucisson algérien. L’Algérie est le pays d’origine de ses parents. Il n’y a pas vécu, mais y conserve des attaches et des souvenirs, il y a été régulièrement en vacances toute sa vie. Cette recette de saucisson est un classique particulièrement peu healthy : « Le cachir est fait à base de carcasses de volaille broyées, et de tout ce qui se jette dans la viande… C’est vraiment un mauvais produit, bourré de substances néfastes, qui s’achète très peu cher en supermarché. »

Pour sa part, il en propose une version de qualité, avec un saucisson fait maison à base de viande de volaille, de harissa et de différents pains : des msemen, des feuilles de brick… Quand on l’observe faire, on a l’impression que revisiter des plats bas de gamme en version maison est un jeu d’enfant. Il sourit et rétorque : « En vidéo, je ne montre pas la partie galère ! »

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