Il ne faut jamais sous-estimer l’importance de la bière dans les parcours politique des nations, notamment africaines : c’est souvent le prix de la canette qui chagrine, en période d’inflation ou de dévaluation ; c’est l’alcool que l’on met à contribution, lorsqu’il s’agit de prélever une taxe exceptionnelle, au titre d’un effort de guerre ; c’est une brasserie qui est parfois prise pour cible, pour de présumés motifs géopolitiques, comme le stock de la Mocaf, filiale du groupe français Castel, ce dimanche soir à Bangui…
Quant à l’affichage d’un haut responsable politique, un verre d’alcool à la main, il mérite d’être cantonné au champagne de quelque visite d’État ou au calva d’un salon de l’agriculture. Même régulièrement qualifié de Jupiter hautain, l’actuel président français connaît les dangers du lâcher-prise en mode « enjaillement du sud ». Il a gardé en mémoire son cliché saint-martinois avec un jeune, torse nu, brandissant un doigt d’honneur ou sa familiarité excessive avec Roch Marc Christian Kaboré, homologue burkinabè étiqueté réparateur de climatisation.
Procès en « frivolité »
Ramant, lors de sa dernière tournée africaine, à contre-courant de manifestations anti-mépris français, Emmanuel Macron pouvait-il résister au storytelling du président afrophile « sans façon », invité qu’il était à partager une pinte, samedi dans un bar de la commune de Bandalungwa, avec celui qu’il recevait, quelques jours plus tôt, à l’Élysée : le chanteur congolais Fally Ipupa ? Entre dédain et désinvolture, la ligne de crête est étroite, pour qui se laisse enivrer d’ambiance de maquis autant que d’alcool.
En pleine crise de la réforme des retraites françaises, la captation vidéo de la bière kinoise de Macron suscitera cris d’orfraie et satires, un abonné de Twitter se demandant, à la veille d’un jour de manif, si on verrait le chef de l’État « devant la camionnette CGT avec une binouze et une merguez ». Mais l’image de la terrasse n’a pas ému que les Français. Car, aux côtés de « Manu » et « Fally », s’ambiançait également le ministre des Communications et Médias et porte-parole du gouvernement congolais. Depuis le cliché alcoolisé, Patrick Muyaya Katembwe se voit accusé de « frivolité » sur les réseaux sociaux, au moment où la situation à l’est de la République démocratique du Congo (RDC) est plus que jamais préoccupante. « On blague avec tout, c’est pourquoi tout le monde blague avec nous », se désole le twittos Chris kabeya Mbaya.
Au cours de son point de presse hebdomadaire, ce mardi, Patrick Muyaya Katembwe se disait désolé que « des personnes de bonne foi » se soient « senties heurtées », étant donné « le contexte » sécuritaire, affirmait que « des choses sérieuses avaient été dites durant toute la journée » et estimait que ce moment de détente, « tout le monde » à sa place « l’aurait fait ». Et le notable de Bandalungwa de solder sa solennité réparatrice par un trait d’humour incongru, évoquant le fait qu’il se dit à Kinshasa que « Bandal c’est Paris »…