Mines, pétrole, BTP… Quand les champions africains repartent de l’avant

Après la crise liée au Covid, la reprise d’activité des 500 champions africains est quasi générale. Porté par la croissance et la hausse du cours des matières premières, le total de leur chiffre d’affaires a bondi de près de 12 % en 2021.

Le chiffre d’affaires cumulé de notre classement fait un bond de 11,76 %. © Montage JA; Adobe Stock

Publié le 15 mars 2023 Lecture : 7 minutes.

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[Exclusif] Le classement 2023 des 500 champions africains

Quelles sont les compagnies les plus performantes du continent ? Découvrez notre classement exclusif des 500 champions africains.

Sommaire

500 CHAMPIONS AFRICAINS – Une reprise en fanfare… ainsi se caractérise cette livraison du classement exclusif Jeune Afrique des 500 premières entreprises africaines. Pour cette vingt-quatrième édition, qui porte sur l’exercice 2021, le chiffre d’affaires cumulé de notre classement fait un bond de 11,76 %. À 664,93 milliards de dollars, il atteint ainsi son meilleur niveau depuis 2014, qui s’établissait alors à 690,5 milliards de dollars. Le pic d’activité de 2012 demeure toutefois à bonne distance avec ses 757 milliards de dollars.

Rebond d’activité

Quoiqu’il en soit, ces performances 2021 effacent les crises successives du milieu de la décennie 2010, nées de la déprime des matières premières et des tempêtes monétaires traversées en 2015-2016 par deux des poids lourds du continent, l’Égypte et le Nigeria, et dans une moindre mesure l’Afrique du Sud.

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Cette livraison fait aussi oublier l’effet dépressif de la crise Covid, qui avait obéré les performances des champions africains : dans notre précédente édition, le cumul des revenus portant sur l’exercice 2020 s’était affiché en repli de 3,9 %.

Le regain d’activité des entreprises se traduit également par une hausse de leurs profits. Il témoigne pour une bonne part de la reprise économique africaine en 2021, avant que ne surgissent ensuite les différentes disruptions – inflation, hausse des taux et désordres monétaires – nées notamment de la guerre en Ukraine.

Croissance soutenue et dollar fort

Pour rappel, notre classement, comme à l’accoutumée, est exprimé en devise américaine. Et reflète aussi pour une part l’évolution des parités monétaires sur la période. En ce sens, la plupart des grandes monnaies africaines ont connu, en 2021, un fléchissement face au billet vert. En moyenne mensuelle, selon les données Nations unies, le rand et le F CFA ont cédé plus de 7,5 % et le naira 5 %. La livre égyptienne est, quant à elle, restée quasiment inchangée en 2021, avant une série de dévaluations qui, à partir de mars 2022, lui ont fait perdre la moitié de sa valeur. Ce qui devrait se traduire négativement l’an prochain pour les entreprises du pays.

Concernant la croissance, selon la Banque africaine de développement (BAD), après une chute de 2,1 % en 2020, le PIB du continent a bondi, en 2021, de 4,8 %, dont 4,5 % pour l’Afrique subsaharienne. Hormis le Soudan du sud et la Guinée équatoriale, tous les pays du continent ont eu une croissante positive en 2021, certains affichant même des taux parmi les meilleurs au monde, comme le Rwanda (+ 10,9 %), le Maroc (+ 7,9 %), la Côte d’Ivoire (+ 7,4 %), le Kenya (+ 7,5 %) ou la RD Congo (+ 6,2 %). Les trois plus grandes économies du continent ont connu pour leur part des niveaux de croissance plus mesurés, à savoir 3,6 % pour le Nigéria, 3,3 % pour l’Égypte et 4,9 % pour l’Afrique du Sud.

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L’indétrônable Sonatrach

À ce contexte économique plutôt porteur s’est ajouté, pour de nombreuses entreprises du secteur primaire et agricole, la reprise spectaculaire du cours des matières premières sous l’effet d’une demande – chinoise notamment – revigorée en sortie de Covid.

Dans notre précédente édition, le secteur des télécoms avait fait montre d’une belle résistance. Cette année, c’est l’inverse : sans avoir démérité, de nombreux opérateurs comme MTN (6e), Vodacom (17e) ou Maroc Telecom (41e) perdent des places au profit des groupes opérant dans des secteurs cycliques, pétrole et gaz en tête.

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De fait, l’or noir avait connu une situation inédite au plus fort de la crise sanitaire, le cours du WTI passant sous la barre du zéro, le 20 avril 2020 ! Il a, peu à peu, repris de la vigueur. En 2021, selon les données de la Banque mondiale, le prix moyen annuel du WTI a ainsi atteint 68 dollars le baril contre 39,3 dollars l’année précédente.

Cela a fait les affaires du secteur pétrolier africain, groupes internationaux ou compagnies nationales. Indétrônable, Sonatrach figure comme à son habitude en première place de notre classement. Le géant algérien voit son activité à l’export en dollars augmenter de 75 %. Il n’est pas le seul. Le pétrolier angolais Sonangol (12e), en dépit d’une baisse de production d’environ 10 % en 2021, retrouve les faveurs du Top 15 et gagne huit places dans notre classement, dopé par la hausse des prix. À Luanda, le gouvernement a même à nouveau évoqué sa volonté d’introduire le groupe public en bourse, à horizon 2027, d’autant que la découverte de nouveaux gisements sont venues conforter le rang de l’Angola sur la scène pétrolière et gazière, et bénéficie à ENI Angola (50e).

NNPC se replace

TotalEnergies Gabon (213e), pour sa part, voit son chiffre d’affaires 2021 en dollars bondir de moitié, et remonte ainsi de 66 places ! Le géant nigérian NNPC (4e), premier producteur d’huile du continent en 2021 (mais détrôné en 2022 par Sonangol), a longtemps déserté notre classement, faute d’être en mesure de présenter des comptes certifiés. Depuis 2020, la compagnie nationale dirigée par Mele Kyari fait preuve d’un peu plus de rigueur et de transparence. Et NNPC conforte cette année son rang parmi l’élite des champions en décrochant la quatrième place à quasi parité avec l’électricien sudafricain Eskom (3e). Poids lourd du gaz liquéfié, NLNG (21e), filiale de NNPC (en joint-venture avec Shell notamment) lancée actuellement dans un énorme projet d’extension (7e train de liquéfaction), s’affiche elle aussi, en bonne place.

À noter parmi les acteurs de la distribution pétrolière, une fusion récente, donc non visible encore dans notre Top 500 : le rachat par Vivo du groupe sud-africain Engen (24e) cédé en février 2023 par le groupe malaisien Petronas. Un autre acteur de poids de la distribution pétrolière, le nigérian Oando plc reste lui absent une nouvelle fois de notre classement où il devrait figurer parmi les 150 premiers. Affecté par de graves problèmes de gouvernance, ce groupe, pourtant coté, est incapable de présenter de comptes audités depuis 2019 !

Les miniers à la fête

À côté du pétrole et du gaz, beaucoup d’autres ressources extractives ont repris des couleurs en 2021. C’est le cas du minerai de fer. Son prix moyen a grimpé de 48,5 % à 161,7 dollars la tonne, selon les calculs de la Banque mondiale. En attendant la mise en route du méga projet Simandou en Guinée, les opérateurs établis comme le géant SNIM (88e) en profitent à plein. Le groupe public mauritanien, avec un chiffre d’affaires exprimé en dollars en hausse de plus d’un tiers, progresse de 21 places.

La valeur moyenne annuelle du phosphate s’est elle aussi envolée de près de 62 %… au plus grand profit de l’Office chérifien des phosphates (OCP) dont l’activité, exprimée en dirhams, a fait un bond de moitié, ce qui lui permet de glaner quatre places (11e) et de frôler l’entrée dans le Top 10. Conjugués à la reprise, quasi complète, de l’activité opérationnelle des mines, le maintien de l’or à un cours élevé et la relance du prix du platine ont fait les affaires de groupes comme le sud-africain Anglo American Platinum (5e). Celui-ci a vu son chiffre d’affaires en rands doubler en 2021 avec un gain de trois places et une entrée dans le Top 5 du classement. Son compatriote Sibanye-Stillwater (7e) voit son activité croître de 35 % en rands (et 50 % en dollars), de quoi lui permettre de se diversifier vers les métaux de la transition énergétique.

En RD Congo, la holding minière publique Gécamines (275e), centrée pour l’essentiel sur le cuivre, et qui vient de changer de président, affiche quant à elle un gain de 66 places. Et pour cause, le prix annuel moyen du métal rouge est passé de 6 174 dollars la tonne en 2020, à 9 317 en 2021. Toujours en RD Congo, et dans ce secteur, on relèvera l’entrée en fanfare dans notre classement de la nouvelle mine de cuivre Kamoa-Kakula (173e). Initié par le canadien Ivanhoe Mines, ce projet conduit en joint-venture avec son partenaire chinois Zijin Mining n’a pourtant réellement commencé à produire qu’au troisième trimestre 2021.

La chaîne de valeur agricole récolte ses fruits

Si en 2021, toutes les matières premières agricoles, le cacao notamment, n’ont pas suivi la hausse des prix du secteur extractif, certaines, préfigurant la flambée inflationniste de 2022, ont relevé la tête, comme l’huile de palme, dont le prix moyen a augmenté de 50 %. Résultat, PalmCI (349e), la filiale du groupe ivoirien Sifca (147e), gagne 71 places.

La remise en route, post-Covid, des chaînes logistiques s’est, par ailleurs, affirmée sur cet exercice, comme en témoigne la hausse d’activité de 11,7 % du Port autonome d’Abidjan (461e), qui le fait progresser de 30 places. Ou encore celle de Marsa Maroc (317e), dont le trafic traité a progressé de 32 % et le chiffre d’affaires en dirhams de 30 %.

Les sud-africaines s’érodent doucement

Enfin, au plan géographique, cette édition du classement marque peu d’évolutions. L’Afrique australe et l’Afrique du Nord pèsent toujours d’un poids écrasant dans ce Top 500, respectivement 55 % et 25 % du chiffre d’affaires total, suivies de l’Afrique de l’Ouest (14 %) et de l’Afrique de l’Est (4 %). L’Afrique centrale fermant la marche à 2 % du total.

En termes de pays, l’Afrique du Sud continue de largement dominer ce classement. Ses 159 entreprises présentes comptent pour 49,58 % du total des facturations cumulées, suivies des sociétés basées en Égypte (8,66 %), au Nigeria (8,02% %), au Maroc (7,30 %), en Algérie (6,60 %) et en Angola (2,47 %). La Côte d’Ivoire (2,20 %) confirmant sa percée des précédentes éditions.

Cependant, le poids relatif de la nation Arc-en-Ciel a tendance à s’étioler au fil des ans. Il y a cinq ans, dans notre édition 2018, les groupes sud-africains pesaient, à eux seuls, 57 % du total, jusqu’à passer à 51,6 % l’an dernier et tomber sous la barre des 50 % dans cette édition. Un signe bienvenu d’une meilleure répartition, sur le continent, de la croissance économique des entreprises.

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