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Comment la Côte d’Ivoire retient ses médecins

Alors que la récente création par la France d’un « visa talent médical » est perçue comme une menace pour le système sanitaire africain, Abidjan entend promouvoir sur son sol l’excellence médicale, les métiers de la médecine et l’innovation dans le domaine.

Université de Bondoukou, en Côte d’Ivoire. © DR

Mariette Houessionon © DR
  • Mariette Houessionon

    Spécialiste de la communication et consultante auprès de structures exerçant dans le domaine du développement et de la santé en Afrique.

Publié le 9 mars 2023 Lecture : 3 minutes.

Si, en une soixantaine d’années d’indépendance, il est un domaine où les États africains ont encore de grands efforts à fournir, c’est peut-être celui de la santé. Les nations africaines sont très en retard sur le reste du monde. Ainsi, un pays comme le Sénégal ne compte que 0,88 médecin pour 10 000 habitants, alors que la moyenne mondiale est de 1,5 médecin pour une population dix fois moins nombreuse. À cet écart, il faut ajouter la prise en compte des déserts médicaux. En effet, les praticiens africains sont plus concentrés dans les capitales et les grandes villes que dans les zones rurales, où vit pourtant l’essentiel de la population du continent.

La crise du coronavirus et l’attitude des grandes puissances, qui se sont accaparé les vaccins sans penser aux autres nations, ont eu valeur d’avertissement (sans grandes conséquences heureusement) pour les pays les plus pauvres. Désormais, ces derniers en savent un peu plus sur le cynisme qui se cache derrière les grandes déclarations, le sauve-qui-peut et le chacun pour soi qui deviennent la règle quand le péril survient.

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Prise de conscience salutaire

En Côte d’Ivoire, cette salutaire prise de conscience survient depuis quelques années déjà. En effet, l’exécutif n’a pas attendu la crise du coronavirus pour lancer, en 2017, un vaste programme de construction de 22 infrastructures sanitaires et la réfection de 20 autres à travers le pays. Le gouvernement a annoncé une enveloppe de 887 milliards de francs CFA (1,35 milliard d’euros) pour financer cette mesure. Dans le sillage de cette décision, il a lancé la construction de l’université de Bondoukou, en 2019. L’infrastructure, qui entrera en activité dès 2023, sera dotée d’une faculté de médecine et d’un centre hospitalier universitaire (CHU).

Mais, il faut le souligner, la Côte d’Ivoire n’est ni l’Autriche, ni la Suède, ni encore Cuba. Le pays souffre d’un manque de médecins (il en compte à peine un pour 10 000 personnes). 30 % des Ivoiriens vivent à plus de 5 kilomètres d’un centre de santé.  Près de la moitié de la population n’a pas accès aux soins et un Ivoirien ne consulte un médecin que tous les trois ou quatre ans. Le coût de la consultation (10 000 F CFA, soit 15 euros) constitue une barrière pour une population qui doit faire des arbitrages complexes chaque jour pour survivre.

Si ces indicateurs mettent en lumière des problèmes structurels, ils ne doivent pas cacher les efforts qui sont actuellement en cours et qui produiront des résultats. Ainsi, la nation éburnéenne émet des signaux qui laissent penser que l’espoir est encore permis. Le pays a notamment décidé de développer un secteur pharmaceutique longtemps embryonnaire. Alors que moins d’un médicament sur dix consommé par les Ivoiriens est fabriqué dans le pays, la Côte d’Ivoire a décidé d’inverser la dynamique. Ainsi, depuis l’année dernière, deux usines de fabrication de médicaments ont été lancées. Mais le mouvement ne s’arrête pas qu’au secteur pharmaceutique.

Des actions fortes

Le pays s’est doté d’une chambre nationale des médecins qui entend promouvoir l’excellence médicale, les métiers de la médecine, l’innovation dans le domaine médical, l’éthique et la déontologie médicale et contribuer au perfectionnement et à l’épanouissement social du médecin, ainsi qu’à la promotion de la santé publique. Au-delà du discours politique, des actions fortes ont été posées, traduisant progressivement en réalité les ambitions du gouvernement Ouattara.

Les médecins pourraient partir en masse, affaiblissant encore plus le système sanitaire

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Exemple emblématique, l’ouverture, en 2018, du Centre national d’oncologie médicale et de radiothérapie Alassane Ouattara (CNRAO) a renforcé la lutte contre le cancer dans le pays. Selon certaines sources, depuis l’ouverture du CNRAO, le risque de décès liés au cancer du sein a diminué de 25 % pour toutes les personnes suivies dans cet hôpital. En 2020, la Côte d’Ivoire a enregistré 3 306 nouveaux cas de cancer du sein et seulement 1 785 décès. Ces performances sont également à attribuer aux actions menées par le pays dans le cadre de l’opération Octobre rose. Durant ce mois de sensibilisation, le coût de la mammographie passe à 2 000 F CFA, contre 25 000 F CFA d’ordinaire.

Mais il faut remarquer que les actions de l’exécutif ivoirien interviennent dans un contexte particulier. En effet, la décision du gouvernement français de créer un « visa talent médical » est perçue comme une menace pour le système sanitaire africain, en facilitant les conditions d’immigration des médecins vers l’Hexagone. Ces derniers pourraient partir en masse, affaiblissant encore plus un système sanitaire déjà en proie à ses propres difficultés. Il revient aux nations africaines de relever ce défi, en fournissant à leurs médecins des conditions d’exercice décentes, pour réfréner leurs envies d’ailleurs.

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