Culture

Mode, racisme et polémique… À Milan, crise autour de la fashion week

Privés d’aides, des designers italiens issus de l’immigration ont décidé de boycotter la fashion week qui débute à Milan le 21 février prochain.

Mis à jour le 11 février 2023 à 16:15
Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

© Damien Glez

Le torchon brûle entre la créatrice italo-haïtienne Stella Jean et le président de la chambre nationale de la mode italienne, Carlo Capasa. Lors de la conférence annonciatrice de la prochaine semaine milanaise de la mode, ce mercredi, la première a interpelé le second, de façon impromptue et véhémente, annonçant qu’elle et le collectif WAMI (We are made in Italy) qu’elle parraine se retiraient du calendrier de l’événement prévu du 21 au 27 février.

Assèchement du financement

La styliste devait défiler le samedi 25 février, tandis que WAMI regroupement des designers italiens issus de l’immigration – devait ouvrir, comme depuis deux ans, la semaine de la mode, sous un format digital, après avoir défilé, en septembre dernier, pour la première fois en présentiel. « C’est bien, mais ce n’est pas arrivé », aurait pu formuler Stella Jean, à la manière ouest-africaine, pour qualifier le soutien accordé aux quatre stylistes italiens originaires d’Haïti, du Vietnam, de Madagascar et de la Corée du Sud qui, selon ses dires, se sont endettés sans réussir à terminer leurs collections, faute de financement.

À Lire Le côté obscur de la mode

Carlo Capasa rétorque que les aides accordées sur quatre saisons – épuisées depuis janvier – n’avaient pas vocation à être « prolongées à l’infini ». Et de se disculper de toute indifférence à l’égard de la diversité, en égrainant certains évènements à venir comme la présentation, à la fashion week, des créations de l’Afro-Américain Aaron Potts, de la Jamaïcaine Rachel Scott ou encore de la Nigériane Patience Torlowei, dans le cadre solidaire du projet « A global movement to uplift underrepresented brands » (un mouvement mondial pour valoriser les marques sous-représentées).

« 100% made in Italy »

Pourfendeuse du racisme systémique et proche du mouvement Black Lives Matter, Stella Jean appelle au soutien d’initiatives qui concernent « les créateurs issus de l’immigration en Italie », eux qui pratiquent un « 100% made in Italy », en réalisant tous leurs articles sur le territoire national… La Chambre nationale de la mode rappelle pour sa part que Michelle Francine Ngonmo, d’origine africaine mais italo-camerounaise, pilote l’organisation des « Black Carpet Awards » qui se tiendront le 24 février, dans le but de récompenser « les champions de la diversité et de l’inclusivité dans les secteurs de la mode, design, art, gastronomie, musique, technologie, business, sport et cinéma »…

À Lire Rokhaya Diallo : « La résurgence des idées racistes est une réponse à une France au visage pluriel »

Manifestement droit dans ses bottes, à la conférence de présentation de la fashion week, Carlo Capasa s’est contenté de déplorer le retrait des boycotteurs. Stella Jean, elle, affirme que son engagement pour la justice raciale en Italie lui a valu « de lourdes et multiples menaces », ainsi qu’à sa famille.