Politique

Comment Erdogan utilise les drones armés pour asseoir l’influence turque en Afrique

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, mise sur la « diplomatie du drone » pour étendre l’influence d’Ankara sur le continent, où les États-Unis et la Chine contrôlent l’essentiel du marché.

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Par - avec Camille Chauvin
Mis à jour le 31 janvier 2023 à 09:44

© MONTAGE JA : Dogukan Keskinkilic/Anadolu Agency via AFP

21 décembre 2022, sur la base aérienne de Mopti, au Mali. Sadio Camara, ministre de la Défense, passe en revue les drones militaires turcs Bayraktar TB-2, acquis dans le cadre d’un partenariat entre Bamako et Ankara. Après le Niger, le Togo et le Burkina Faso, le Mali devient ce jour-là le quatrième pays ouest-africain, en moins d’un an, à s’équiper du létal TB-2.

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Depuis que les drones turcs ont été testés en conditions réelles en Libye, en 2019, Recep Tayyip Erdogan a fait de cette « diplomatie des drones » un axe stratégique pour asseoir son influence sur le continent. Et nourrir ainsi ses rêves « néo-ottomans », au risque de fâcher Pékin, Washington et Tel-Aviv, ses principaux concurrents sur ce marché de la guerre à distance. Quels États africains possèdent des drones ? Qui les leur vend ? Quels sont les drones qui équipent les armées africaines ? Décryptage en infographies.

En quelques années, l’Afrique est devenue un laboratoire pour ces aéronefs sans pilote destinés à la surveillance, à la reconnaissance et aux attaques « ciblées », qu’ils mènent des missions pour une armée régulière, une ONG ou même un groupe terroriste comme Boko Haram qui, depuis 2018, utilise ces appareils pour surveiller les mouvements des troupes nigérianes.

Des « victimes collatérales » en nombre

Une prolifération qui pose de sérieuses questions. D’abord parce que le pilote mène les frappes par écran interposé. Ensuite, parce que les critères d’identification des cibles – type de vêtement, mensurations, couleur de peau – laissent subsister d’importantes marges d’erreur, et font de nombreuses « victimes collatérales ». En juillet dernier, sept personnes ont été tuées par un drone dans le nord du Togo. Les autorités, qui venaient de recevoir des modèles turcs, ont présenté leurs excuses pour avoir « malencontreusement » confondu des enfants avec une colonne de jihadistes.

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C’est Washington qui a fait des drones un élément clé de sa Global War on Terror (« guerre contre le terrorisme ») au lendemain des attentats du 11-Septembre. Et les « bavures » commises par les Predator et Reaper américains ont été largement documentées, de l’Afghanistan à la Somalie en passant par le Yémen et la Libye. Cependant, cela n’a pas empêché les États-Unis – ainsi que la France, qui fait désormais un usage intensif de drones dans le Sahel – d’en renforcer le déploiement, pour lutter contre le terrorisme.

Des matériels beaucoup moins coûteux

Dès le début des années 2000, les États du continent ont commencé à s’équiper en drones de surveillance, des aéronefs israéliens en majorité, bien que certains, à l’image du Maroc, commencent à investir dans la construction de leurs propres appareils. Mais, jusqu’à présent, les Occidentaux ont voulu garder le contrôle exclusif des drones armés. Paris et Washington disent vouloir éviter des abus et de potentielles atteintes aux droits humains. Un argument que nombre d’États africains jugent condescendant, paternaliste, voire néocolonialiste.

Mais cela fait les affaires des constructeurs turcs, chinois, émiratis et iraniens, qui gagnent une part de plus en plus importante sur le marché des drones armés africains, en proposant des matériels moins coûteux. Après Pékin, Ankara a ainsi séduit plusieurs gouvernements du continent avec son TB-2, conçu par l’entreprise Baykar, dont l’un des fondateurs n’est autre que le gendre d’Erdogan, Selçuk Bayraktar.

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