Ils sont peu à pouvoir réunir la grande majorité de la classe politique, à pouvoir faire asseoir côte à côte des rivaux acharnés, d’anciens amis et de nouveaux ennemis. Mais c’est ce que s’apprête à réussir le pape François, qui se rend pour la première fois en RDC, du 31 janvier au 3 février prochains.
Parmi le million de fidèles attendus à la grande messe qui se tiendra à Kinshasa, devraient se trouver le président Félix Tshisekedi, mais aussi Moïse Katumbi, qui a confirmé sa présence à Jeune Afrique, ou encore l’ancien président Joseph Kabila dont l’épouse, Olive, est une fervente catholique.
Alors que la RDC est en proie depuis plus d’un an à une nouvelle offensive du M23 et à de sérieuses tensions avec son voisin rwandais, le pape devrait prôner la paix et la réconciliation. Il a néanmoins renoncé à se rendre à Goma, une étape initialement prévue. À quelques jours de cette visite historique, Jeune Afrique a rencontré Mgr Ettore Balestrero, le nonce apostolique à Kinshasa.
Jeune Afrique : L’arrivée du pape François à Kinshasa ce 31 janvier est-elle confirmée ?
Ettore Balestrero : C’est confirmé et tous les Congolais sont invités à accueillir le pape.
Où en êtes-vous des préparatifs ?
Beaucoup de travail a été fait. Toutes les semaines, je rencontre le Premier ministre toutes les semaines et l’évêque responsable de l’organisation de la visite pour le compte de l’Église.
Sous quel signe le pape François place-t-il sa visite en RDC ?
Avec près de 45 millions de fidèles, la RDC est le pays africain qui compte le plus grand nombre de catholiques. C’est aussi un pays qui a une histoire singulière avec l’Église : le premier évêque subsaharien en était originaire. Aujourd’hui, le pape vient non seulement comme un père pour les catholiques, mais aussi en ami pour tous les Congolais.
Sa visite sera placée sous le signe de la réconciliation, car il faut que les blessures cicatrisent, que le pardon pour tous les crimes commis soit demandé. Il faut qu’un avenir commun soit construit par tous les Congolais, et non qu’ils soient les uns contre les autres.
Le pape vient dire : « Réconciliez-vous, regardez l’avenir plutôt que le passé, ne vous résignez pas au mal. Le changement est entre vos mains. »
Y a-t-il eu des préalables formulés par le Vatican concernant la visite du pape en RDC ?
Il y a une préoccupation particulière quant à la sécurité du souverain pontife, mais aussi de toutes les personnes qui assisteront à la messe.
En juin dernier, avant que sa visite ne soit reportée, le pape avait prévu de se rendre à Goma, dans l’Est. Pourquoi cette étape a-t-elle été annulée ?
Les conditions sécuritaires n’étaient pas réunies pour que le pape puisse sereinement se rendre dans l’Est à cause des combats entre le M23 et les forces congolaises.
Quelle est la position du pape François face à la grave crise entre Kinshasa et Kigali ?
Le pape appuie le processus de Nairobi et le processus de Luanda. Il faut que tous les engagements pris, notamment le cessez-le-feu, soient respectés et surtout que la population civile soit protégée.
Parfois, les églises sont directement prises pour cible, comme mi-janvier, à Kasindi, où quatorze personnes ont été tuées dans un attentat revendiqué par les Forces démocratiques alliées (ADF)…
La paix n’est pour l’instant qu’un rêve dans l’Est. Malheureusement, le problème de fond est celui du contrôle des ressources naturelles. Cette richesse, c’est autant la bénédiction que la malédiction de la RDC.
L’élection présidentielle doit se tenir le 20 décembre prochain, et le processus électoral fait déjà l’objet de critiques. Êtes-vous préoccupé ?
Non, je n’utiliserais pas ce terme. Nous souhaitons que ce scrutin soit démocratique, inclusif, transparent, crédible, et que le calendrier électoral soit respecté. Le président Félix Tshisekedi s’y est engagé, nous voulons le croire.
Il y a un an, l’Église catholique avait compté parmi les voix les plus virulentes lors de la nomination de Denis Kadima à la tête de la Commission électorale nationale indépendante [Ceni]. Mais ces prises de position politiques vous attirent aussi de fortes critiques de la part de certains, qui estiment que vous sortez de votre rôle…
L’Église ne fait pas de politique et elle n’est contre personne. En RDC, elle a eu un rôle historique particulier, en accompagnant la consolidation de la conscience démocratique. Bien sûr, cela peut créer parfois des tensions avec les autorités politiques, toutefois, à la fin, la volonté de travailler ensemble prévaut toujours, pour le bien de la population.