Certains ont déjà décroché leurs premiers contrats africains, d’autres sont encore en embuscade, répondant aux appels d’offres ou privilégiant les contacts directs avec les États tentés de confier la gestion de leurs aéroports à un concessionnaire privé.
La publication, à la fin d’octobre 2022, des premiers résultats de l’appel d’offres nigérian concernant la gestion des aéroports de Lagos, d’Abuja, de Kano et de Port-Harcourt, a permis de révéler les ambitions de ces potentiels nouveaux acteurs. D’autant que si certains avaient d’ores et déjà annoncé leur intention de décrocher de nouvelles licences sur un continent où s’opère, à grande échelle, la transition du public vers le privé, d’autres, tout aussi proactifs, étaient restés plus discrets… Jeune Afrique fait le point.
• Corporación América Airports (CAAP) : les « bons » et les « mauvais » pays
Le groupe argentin – immatriculé au Luxembourg –, qui se présente comme le leader des opérateurs privés du secteur, gère 53 aéroports dans six pays, essentiellement en Amérique latine, mais aussi en Italie (Pise, Florence) et en Arménie (Zvartnots). En mars dernier, lors de la présentation des résultats de 2021, son directeur financier, Jorge Arruda, annonçait la volonté de Corporación América Airports de passer à une stratégie « plus agressive » en matière d’acquisitions et dévoilait son intérêt pour l’Afrique, tout en indiquant qu’il faudrait alors « veiller à l’environnement réglementaire ». Il estime qu’il 132 y a « de bons et de mauvais pays » sur le continent.
Pour sa candidature au Nigeria – le gouvernement l’a déclaré « soumissionnaire privilégié » pour la gestion des aéroports internationaux NnamdiAzikiwe d’Abuja et Mallam-Aminu de Kano – CAAP s’est associé au portugais MotaEngil, bon connaisseur de l’Afrique, où ce dernier a réalisé quelque 910 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2021 dans 14 pays, mais néophyte dans la gestion aéroportuaire. Le consortium formé pour l’occasion est détenu à 51 % par CAAP, le reste étant partagé entre différentes filiales de Mota-Engil.
• Du Cap-Vert à l’Angola, Vinci Airports joue la carte lusophone
Le 18 juillet 2022, Nicolas Notebaert, directeur général de Vinci Concessions et président de Vinci Airports, a signé avec Ulisses Correia e Silva, Premier ministre du Cap-Vert, un contrat de concession de quarante ans pour les sept aéroports de l’archipel cap-verdien : les quatre aéroports internationaux de Praia, Sal, São Vicente et Boa Vista, ainsi que trois aéroports domestiques.
Sollicité par JA, le groupe indique mettre en place « une stratégie de développement mondiale », dans laquelle les aéroports touristiques sont davantage ciblés que les gros aéroports. Mais il place son opération cap-verdienne « plutôt dans une logique d’expansion lusophone, dans le prolongement du rachat d’ANA [la filiale portugaise acquise en 2013, avec laquelle le géant français gérera les infrastructures cap-verdiennes], que dans une ambition africaine ».
Dans la foulée, Vinci compte bien se pencher sur un autre dossier, il est vrai également lusophone : l’ouverture du capital de l’angolais Sociedade Gestora de Aeroportos (SGA). Autorisée par un décret présidentiel daté du début de décembre 2022 et rendu public juste après, l’opération consiste à céder au secteur privé une participation de 51 % de la société qui gère les 18 aéroports du pays. Le chantier des privatisations en Angola est sur la table de João Lourenço depuis son arrivée au pouvoir, en 2017. Si la perspective de la livraison, prévue pour 2023, du futur aéroport international de Luanda semble bien faire accélérer les choses, aucun calendrier n’a encore été annoncé.
• TAV Airports, une offensive en toute discrétion
Basé à Istanbul et dans le giron du groupe français ADP depuis 2012, TAV gère un portefeuille de 15 aéroports dans six pays, essentiellement au Moyen-Orient, mais aussi les aéroports de Monastir et d’Enfidha-Hammamet en Tunisie. Si sa stratégie de croissance 2022-2025 prévoit bien la consolidation et l’extension du portefeuille de concessions de l’entreprise, les zones ciblées sont, selon le rapport annuel 2021 d’ADP, « l’Europe de l’Est, l’Asie centrale, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord ». L’Afrique subsaharienne n’est pas mentionnée.
Pour postuler à l’appel d’offres de l’aéroport international MurtalaMuhammed de Lagos, TAV Airports s’est associé à la société nigériane de services aéroportuaires Nahco et à la société d’ingénierie Planet Projects Limited. Sa proposition a d’ailleurs été retenue comme « soumissionnaire préféré », et le groupe ADP a confirmé à la mi-janvier à JA que les discussions avec les autorités nigérianes étaient engagées.
Mais le nigérian Sifax, dont l’offre a été retenue comme « soumissionnaire de réserve », compte bien faire disqualifier son concurrent : selon lui, le dépôt de candidatures séparées, l’une par TAV, l’autre par GMR – deux entités d’un même groupe – ne respecte pas le cahier des charges de l’appel d’offres. Il a donc saisi la Haute Cour du Nigeria – l’affaire était toujours pendante à l’heure où nous rédigions ces lignes.
• GMR en recherche « active » d’opportunités
Fondé en 1978 à New Delhi et en partie racheté par ADP en 2020, GMR, pour l’instant actif en Inde et aux Philippines, montre un réel désir d’expansion. Il a remporté des appels d’offres pour de futures infrastructures en Grèce et en Indonésie. Son président-fondateur, Grandhi Mallikarjuna Rao, annonçait le 2 septembre 2022 que son groupe « se concentre[rait] stratégiquement sur les zones géographiques prometteuses d’Asie du Sud, d’Asie du Sud-Est, du Moyen-Orient, d’Afrique, d’Asie centrale, d’Europe de l’Est et d’Amérique latine » où il « évalue activement et participe à de multiples opportunités de privatisation d’aéroports ».