Inde : le retour des hindous

Son nom reste attaché à la sanglante répression contre les musulmans du Gujarat, en 2002. Pourtant, fort de la réussite économique de son État, Narendra Modi paraît bien placé pour devenir Premier ministre.

Narenda modi, patron du Bharatiya Janata Party (BJP). © SIPA

Narenda modi, patron du Bharatiya Janata Party (BJP). © SIPA

Publié le 4 mars 2013 Lecture : 3 minutes.

Narendra Modi est l’homme politique indien qui monte, monte, monte… Chief minister de l’État du Gujarat depuis 2001, ce soixantenaire a été régulièrement réélu à la tête de cette région en pleine croissance – la dernière fois, c’était en décembre 2012. Du coup, il ne cache plus ses ambitions nationales.

Le Bharatiya Janata Party (BJP), la formation hindouiste de droite dont il est membre, compte d’ailleurs sur lui pour remporter les prochaines élections législatives, après deux défaites successives face au parti du Congrès. Adulé par la classe moyenne et les milieux d’affaires – près de 50 % d’opinions favorables -, il apparaît aujourd’hui mieux placé que Rahul Gandhi, héritier de la dynastie Nehru-Gandhi et leader du Congrès, pour accéder à la primature.

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Controversé

Le problème, car il y en a un, c’est que Modi est aussi l’homme politique indien le plus controversé. Son nom reste associé aux sanglantes émeutes qui, en 2002, firent entre 1 000 et 2 000 morts dans la minorité musulmane du Gujarat. À la suite de la mort de pèlerins hindous dans l’incendie d’un train, des émeutiers armés de couteaux, de pistolets et d’explosifs prirent d’assaut les ghettos musulmans, pourchassant, brûlant vif ou égorgeant leurs habitants, au vu et au su de la police. Ce furent les troubles interreligieux les plus meurtriers depuis la partition du pays, en 1947.

Le boycott international dont il est victime depuis dix ans va-t-il prendre fin ?

Selon les organisations de défense des droits de l’homme, Modi aurait personnellement donné aux policiers l’instruction de se tenir en retrait pour permettre aux foules hindoues fanatisées de donner libre cours à leur haine criminelle. Une accusation qu’il rejette avec la dernière énergie. À l’en croire, il ne s’agissait que d’une « réaction de colère spontanée »… Saisis par les proches des victimes, les tribunaux ont, faute de preuves suffisantes, abandonné toutes les charges contre lui. Mais aux yeux de la gauche intellectuelle, sa responsabilité politique et pénale reste clairement engagée. Certains vont jusqu’à le comparer à Hitler et aux grands nettoyeurs ethniques de l’Histoire !

L’intéressé ne ménage pourtant pas ses efforts pour faire oublier cette exécrable réputation de « boucher du Gujarat », et, a contrario, s’efforce de mettre en avant son bilan à la tête de l’État. Avec 9 % de croissance, le Gujarat affiche il est vrai une forme étincelante, alors que l’économie indienne a tendance à marquer le pas depuis un an sous l’effet conjugué de la crise mondiale et des scandales de corruption qui éclaboussent le gouvernement de Manmohan Singh.

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Double fléau

Lors du sommet des investisseurs qui s’est tenu en janvier à Ahmedabad, la grande ville de l’État, en présence de délégués venus des quatre coins de l’Inde mais aussi de l’étranger, Modi a vanté le dynamisme de son État libéré du double fléau de la corruption et de la bureaucratie. Les investisseurs (Ford, Tata) affluant, le Gujarat se rêve désormais en Guangdong de l’Inde, même si, selon ses détracteurs, ses performances en matière d’éducation et de santé laissent encore à désirer. La présence au sommet de James Bevan, l’ambassadeur britannique, marque sans doute la fin du boycott international dont Modi fait l’objet depuis dix ans.

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Paradoxalement, le principal obstacle à son irrésistible ascension viendra peut-être de son propre parti. Trop marqué par les événements de 2002 et trop proche de la frange dure des nationalistes hindous, il effraie en effet les modérés du BJP, qui redoutent de voir les législatives se transformer en un référendum pour ou contre Modi et son rejet de l’Inde multiconfessionnelle. Car à l’inverse, la majorité des Indiens continuent d’y croire.

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