Exclusif – Prêtres pédophiles au Gabon : le scandale de la Fraternité Saint-Pie X

Durant de nombreuses années, des prêtres de la Fraternité catholique Saint-Pie-X, à Libreville, se sont livrés à des abus sur mineurs, en toute impunité. Radiographie d’un système verrouillé de l’intérieur, témoignages exclusifs à l’appui.

La villa de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, dans le centre de Libreville, a été le théâtre de nombreux viols et abus sexuels, couverts par le Vatican au fil des années. © MONTAGE JA : Church Militant

MATHIEU-OLIVIER_2024

Publié le 29 septembre 2022 Lecture : 15 minutes.

Issu du dossier

Prêtres pédophiles au Gabon : le scandale de la Fraternité Saint-Pie-X

Les accusations qui visent plusieurs prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X au Gabon s’ajoutent à une longue liste d’affaires auxquelles cette communauté intégriste a été mêlée ailleurs dans le monde.

Sommaire

ENQUÊTE – La pièce est spacieuse. Au premier étage de la villa que la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X occupe dans le centre de Libreville, le père Patrick Groche a fait aménager une chambre qui n’a rien d’une austère cellule monacale. Le supérieur de la mission catholique y dispose d’un vaste bureau, d’où il préside aux destinées de la petite communauté de prêtres envoyés par l’ancien archevêque de Dakar, le catholique traditionaliste Marcel Lefebvre, en terres gabonaises. Pour ses moments de détente, le Français jouit également d’une baie vitrée et d’une terrasse. Comme l’ex-maire de Libreville Lubin Martial Ntoutoume Obame, ancien occupant de la maison, le prélat aime observer le Libreville de ce milieu des années 1980.

Non loin de son promontoire, une grande bibliothèque offre aux regards une sélection d’ouvrages religieux et de romans plus légers. L’un d’entre eux raconte l’histoire d’un enfant américain, Claude Lightfoot. « Insouciant et volage », ce dernier étudie à l’école des jésuites de Milwaukee et y découvre, sous la plume du père Francis Finn, « l’amour filial et fraternel » ou « la sainte communion ».

Patrick Groche, un intime que Marcel Lefebvre a chargé de développer les activités de la Fraternité fondée en 1970, aime à utiliser ce roman d’éducation. Régulièrement, l’abbé en évoque des passages avec les jeunes de sa mission, qui viennent les mercredis, samedis ou dimanches pour le catéchisme, la messe ou le tennis de table. Parmi ces adolescents, Claude, qui porte par coïncidence le même prénom que le héros de Francis Finn, occupera une place à part.

En Afrique, un prêtre blanc était considéré comme un envoyé de Dieu.

Né en 1969, il est l’un des premiers enfants gabonais à avoir intégré la mission de Libreville, dès son ouverture, en 1986. Son père, fervent croyant, est ce qu’on appelle un catholique traditionaliste. Comme Marcel Lefebvre, qui sera excommunié par le pape Jean-Paul II en 1988, il refuse la messe en français, lui préfère le latin, et rejette les règles édictées par le concile de Vatican II, jugé trop « moderniste ». Surtout, il entend offrir à son jeune fils Claude une paroisse correspondant à ses convictions. Ce sera la mission de la Fraternité Saint-Pie-X.

Cérémonie de confirmation par l'évêque traditionaliste Mgr Marcel Lefebvre en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, le 27 mai 1979 à Paris, France. © François LOCHON/Gamma-Rapho via Getty Images

Cérémonie de confirmation par l'évêque traditionaliste Mgr Marcel Lefebvre en l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, le 27 mai 1979 à Paris, France. © François LOCHON/Gamma-Rapho via Getty Images

« Les garçons ont le droit de s’aimer »

Bien s’informer, mieux décider

Abonnez-vous pour lire la suite et accéder à tous nos articles

Image
Découvrez nos abonnements
la suite après cette publicité

Dans le même dossier