« Les marchandises circulent librement entre les frontières. Pourquoi pas les personnes, qui valent plus que les objets ? » Au téléphone, Serigne Mbaye tente de maîtriser son émotion, mais sans y parvenir complètement. « Quand je parle de l’immigration ou du racisme, j’ai mal au cœur », se justifie-t-il dans un français entrecoupé d’espagnol.
À Madrid, où il vit depuis maintenant seize ans, Serigne Mbaye n’est plus n’importe qui. En réussissant à se faire élire en juin 2021 au Parlement de la région sur la liste de Podemos, le parti de la gauche radicale, il est devenu le visage de l’antiracisme en Espagne. Épilogue – ou plutôt début – d’une lutte acharnée contre les discriminations et en faveur d’une reconnaissance des sans-papiers. « Cela en valait la peine », dit-il.
Avant qu’elle ne prenne un tournant aussi singulier qu’improbable, l’histoire de Serigne Mbaye ressemblait à celle des milliers de migrants africains qui ont décidé d’aller chercher une vie meilleure en Europe. Le Sénégalais, lui, a eu nettement plus de chance que les milliers de personnes qui sont mortes en tentant de rejoindre l’archipel espagnol des Canaries – selon l’Organisation internationale pour les migrations, ils sont plus de 17 000 à avoir perdu la vie sur ces routes migratoires maritimes depuis 2014.
Nous rêvions tous d’Europe. On pensait qu’on y trouverait plus facilement du travail