Le degré de liberté des satiristes de tout poil, tendancieux ou pas, drôles ou moins, n’est-il pas un baromètre de l’État de droit ? Les mésaventures du Tunisien Lotfi Abdelli sur scène ne sont-elles qu’un micro-clash banal extrapolé par le web ? Ou le signe d’un recul du droit à l’expression critique ? Ce 7 août, au festival international de Sfax, alors qu’il joue un sketch sur les factures d’électricité impayées de sa grand-mère, l’humoriste se touche les parties génitales et adresse un doigt d’honneur à des autorités plus ou moins liées à la gestion de l’énergie : la Société tunisienne de l’électricité et du gaz (STEG), mais aussi… la police. Présents notamment pour assurer la sécurité du show, trois policiers en civil interviennent, menaçant l’artiste de lui faire quitter les lieux…
Provocateur et populaire
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Coup de sang contre-productif ? Le populaire et provocateur Lotfi Abdelli prend non seulement son public du jour à témoin, mais aussi ses nombreux followers des réseaux sociaux en diffusant la scène houleuse : « Est-ce que j’ai insulté la police ? Est-ce que j’ai dit des choses méchantes ? » Le spectacle chahuté ira cahin-caha à son terme, mais la suite de la tournée estivale de l’artiste sera annulée selon le producteur Mohamed Boudhina qui dit avoir été lui-même agressé à l’issue du spectacle. Lotfi Abdelli ira jusqu’à évoquer son intention de quitter définitivement le pays, « le peu d’espoir » qu’il avait lui ayant été « volé »…
Pour certains, le chouchou des réseaux fait mousser le buzz à bon compte, lui qui s’était trouvé dans une situation comparable, en 2020, après une blague sur la culotte d’une députée. Aujourd’hui, le porte-parole du Syndicat des agents de la direction générale des unités d’intervention, Mohamed Messai, accuse l’artiste « d’incitation à la haine envers les agents de police ». Et c’est pour « atteinte aux bonnes mœurs » que deux policiers auraient formellement déposé plainte.
Suite à l’intervention de membres des forces de l’ordre dans le spectacle de Lotfi Abdelli, la Ligue tunisienne des droits de l’homme a condamné, dans un communiqué, « l’atteinte au droit d’expression et à la créativité ». Les spectacles satiriques comme celui d’Abdelli n’étaient pas autorisés sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali. Le futur proche – les policiers fauteurs de trouble artistiques seront-ils sanctionnés ? – et l’avenir lointain diront si le “roi” Saïed accepte encore les “fous du roi”…
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