Grandes manoeuvres sur le front politique syrien. « Quand un dirigeant ne corrige pas une série d’erreurs, il doit rendre des comptes », a déclaré le 11 juillet le président Bachar al-Assad, pour expliquer le renouvellement complet des seize membres du comité central du Baas, le parti présidentiel, parmi lesquels l’apparatchik Farouk al-Chared. « Un changement cosmétique qui vise sans doute à écarter définitivement le dernier »modéré » du régime, et à mettre en place des larbins qui obéiront au doigt et à l’oeil à Bachar pour la campagne présidentielle de 2014 », commente Thomas Pierret, universitaire français spécialiste de la Syrie. Un moyen facile, également, d’imputer à une poignée de civils sans réels pouvoirs la responsabilité des difficultés rencontrées par le régime sur le terrain militaire.
Beaucoup plus intéressants sont, en revanche, les changements intervenus à la tête de la Coalition nationale syrienne (CNS), le regroupement de partis d’opposition désormais l’interlocuteur privilégié des puissances occidentales et arabes devenues hostiles à Assad. Le 6 juillet, après trois jours de houleuses délibérations, la formation a nommé à sa tête Ahmad Assi Jarba, chef de tribu et opposant historique, réputé proche de l’Arabie saoudite. Premier parrain de la contestation, le Qatar a échoué à placer son candidat. Une petite révolution interne qui traduit l’implication croissante ces derniers mois de Riyad au détriment de Doha dans la crise syrienne. Le signe également qu’une majorité à la CNS a basculé du côté saoudien.
Revirements en série
« Les Frères musulmans [soutenus à l’origine par le Qatar et qui dominent la coalition] ont retourné leur veste en faveur du candidat des Saoudiens, remarque Pierret. Ils y ont gagné un poste de vice-président à la CNS. Un repositionnement très étonnant à l’heure où l’Arabie saoudite fait tout pour empêcher le retour des Frères en Égypte. » Autre indice de l’influence grandissante de Riyad, la chaîne saoudienne Al-Arabiya, concurrente de la qatarie Al-Jazira, a célébré avec grandiloquence l’anniversaire de la création de la brigade rebelle Liwa al-Tawhid, proche des Frères et jusque-là financée par le Qatar. Pour Pierret, « il y a de fortes chances que ces hommes soient eux aussi passés du côté saoudien ». Conséquence de ces revirements, Ghassan Hitto, proche des Qataris et Premier ministre d’un gouvernement qu’il a échoué à former depuis quatre mois, a démissionné le 8 juillet.