De l´avis des observateurs, c´est à l´opiniâtreté de John Kerry que l´on doit l´heureuse nouvelle d´un retour à la table des négociations au Proche-Orient. En se rendant à six reprises dans la région en l´espace de trois mois, le secrétaire d´État américain n´a certes pas ménagé sa peine ni lésiné sur les moyens pour atteindre ses objectifs. Bien que le plus dur reste à faire, il peut d´ores et déjà s´en remettre à l´entregent de Tzipi Livni, la ministre israélienne de la Justice, et de l´incontournable Saeb Erekat, négociateur en chef de l´OLP, à qui il incombe désormais d´animer, à Washington, des réunions préparatoires intensives en vue d´une reprise officielle des discussions.
À 58 ans, Saeb Erekat est un vétéran du dialogue de sourds avec Israël. Depuis 1991, cet ancien journaliste a participé, pour la partie palestinienne, à toutes les négociations, à l´exception notable de celles, secrètes, qui précédèrent les accords d´Oslo de 1993. Grâce à son anglais parfait, il s´est imposé comme l´interlocuteur privilégié des Américains, et plus généralement des chancelleries occidentales, dont il maîtrise les arcanes.
Saeb Erekat, cité dans les « Palestine Papers »
En dépit de ses nombreux rendez-vous manqués avec Israël et de son caractère difficile, Erekat a su rester l´homme de confiance des Palestiniens. Ces trois dernières années auront pourtant été bien délicates pour ce partisan invétéré d´une « solution à deux États ». L´ancien protégé de Yasser Arafat a été abondamment cité dans les « Palestine Papers » – ces quelque 1 700 documents secrets sur le conflit israélo-palestinien divulgués par la chaîne de télévision Al-Jazira en 2011, qui dépeignent le pouvoir de Ramallah comme faible et disposé à faire d´importantes concessions territoriales. Accusé par le Hamas de « tenter de liquider la cause palestinienne », Erekat s´était replié dans son bastion de Jéricho.
Hasard de l´Histoire, il retrouve aujourd´hui Tzipi Livni, à qui il aurait, lors des discussions passées, proposé « la plus grande partie de Jérusalem ». Fine tacticienne, l´ancienne chef de l´opposition israélienne a fait un retour au premier plan à l´issue des élections législatives de janvier. Ses six sièges obtenus à la Knesset avec la formation centriste Hatnouah (« le mouvement ») lui ont permis d´entrer dans le gouvernement de Benyamin Netanyahou, qu´elle avait pourtant qualifié durant la campagne de « désastre pour Israël ».
prudente
Au sein d´une coalition largement dominée par la droite nationaliste, Livni, 55 ans, fait figure de modérée. Nommée ministre de la Justice et, surtout, chargée de la conduite du processus de paix, elle ne cesse d´appeler à une amélioration des conditions de vie des Palestiniens en Cisjordanie, jugeant la création d´un État indispensable à la survie de son propre pays. « Irresponsable », avaient bougonné les ténors du Likoud, son parti d´origine, qui ont finalement échoué à obtenir sa mise à l´écart.
Ancienne agente du Mossad issue d´une famille adepte du Grand Israël, Livni impressionne par sa détermination. Ses proches voient en elle une nouvelle « dame de fer », à l´instar de Golda Meir, Premier ministre de 1969 à 1974. L´intéressée se veut prudente : « Il y a eu de longs mois de scepticisme et de cynisme de part et d´autre, a-t-elle commenté après l´annonce d´un accord de principe sur la reprise des négociations. À présent, quatre ans de marasme diplomatique touchent à leur fin. »