Alger aurait-il réussi le pari d’inverser la tendance ? Lourdement affectée par le double choc lié à la pandémie de Covid-19 et celui du renversement du marché pétrolier depuis le début de 2020, l’économie algérienne bénéficie d’une nette amélioration de sa conjoncture.
Hausse des cours du brut, accroissement de la demande européenne en gaz, pour un pays producteur dont la rente pétrolière est la principale source de recettes publiques, les voyants semblent être passés au vert pour engranger les revenus. Ainsi, la Direction générale des douanes a récemment publié un rapport semestriel encourageant. La balance commerciale algérienne affiche en effet 5,6 milliards de dollars d’excédent au premier semestre cette année, contre 1,34 milliard de déficit l’an dernier. Les exportations du pays ont crû de près de 50 % depuis le début 2022.
Dans le détail, et si l’on extrapole sur une année, les exportations de l’Algérie sont sur une tendance de 50 milliards de dollars pour 2022, contre 40 milliards pour les importations. En deux mots : Alger devrait être en capacité de cesser de « grignoter » sur ses réserves de change – et au contraire, de les accumuler. Le risque d’une crise des paiements s’éloigne à court terme.
Rebond à court terme
Toutefois, à plus long terme, cette bonne forme conjoncturelle pourrait être mise à mal. Et c’est également un enseignement du rapport des Douanes publié fin juillet : la stabilité macroéconomique reste fragile. Notamment si l’on met en parallèle les perspectives de reprise qui sont plutôt modestes. Les perspectives de croissance du PIB ont été révisées à 3,4 % cette année par le FMI mais elles restent nettement inférieures à celles des autres pays producteurs de pétrole africains, estimées à 5,4 %.
À cela s’ajoute un autre facteur : les finances publiques algériennes restent structurellement déséquilibrées. « Les derniers indicateurs publiés par les Douanes sont bons, il faut en convenir, toutefois ils ne parlent pas des ‘invisibles’ », commente un économiste algérien interrogé par Jeune Afrique. La balance commerciale met uniquement en lumière les échanges de biens . Or, les services, les investissements directs étrangers, les capitaux, ne sont pas évoqués. « Il y a, au bas mot, 8 milliards de dollars de dépenses incompressibles qui sont principalement liées aux services dans le cadre de l’exploitation des hydrocarbures », poursuit-il. Et de souligner que les 10 milliards d’excédents commerciaux seront absorbés pour couvrir le solde négatif de cette balance des services.
De plus, et malgré la hausse des recettes d’hydrocarbures, l’Algérie devrait continuer d’accumuler des déficits budgétaires qui atteindraient autour de 3 à 4 % du PIB en 2022-2023, toujours selon les estimations du FMI. La situation est néanmoins nettement meilleure qu’au cours de la période 2014-2021 (10 % de PIB de déficit par an en moyenne).
Diversification timidement en marche
Cette dépendance aux hydrocarbures, et le coût réel (coût des services pétrogaziers) qu’ils représentent, ne devraient toutefois pas peser sur les finances publiques cette année. Si l’industrie pétrogazière contribue à plus de 85 % de la balance commerciale positive enregistrée au premier semestre 2022, la volatilité des cours, la révision des contrats d’approvisionnement et la découverte de nouveaux gisements devraient prolonger ces effets. La manne pétrolière, qui est le premier garant des réserves de change et dernièrement évaluées à « plus de 12 mois d’importations de biens et services », ne laisse que peu de place à la diversification.
Nous porterons les exportations hors hydrocarbures à 7 milliards de dollars en 2022
De plus, le niveau des importations, malgré les nombreuses barrières instaurées par l’État, reste élevé. « Le pays n’arrive pas à comprimer ses importations en dessous des 40 milliards sur un an, ce qui est trop élevé. L’Algérie est encore trop dépendante », déplore notre économiste.
Cela dit, les chiffres semblent donner raison à l’administration Tebboune. « Nous porterons les exportations hors hydrocarbures à 7 milliards de dollars en 2022 », avait déclaré le président algérien en début d’année. Alors que le montant global des exportations s’élève à 25,922 milliards de dollars, 3,5 milliards de dollars ont été générés par des transactions hors hydrocarbures. Des chiffres qui confirment la tendance vers les 7 milliards de dollars sur un an.
Pour rappel, en 2020, les exportations hors pétrole et gaz représentaient environ 2 milliards de dollars, et un peu moins de 5 milliards l’année dernière. Grâce à ses exports agricole,s notamment, Alger pourrait donc toucher au but à mi-chemin.