Économie

Le Gabon veut revendre des crédits carbone pour « 2 milliards de dollars »

Pour le Gabon, « forêts » rime avec « opportunités économiques ». Le pays entend créer 187 millions de crédits carbone et compte en revendre la moitié sur le marché des compensations.

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Mis à jour le 1 juillet 2022 à 12:21

Le Gabon cherche à recentrer son économie sur la sylviculture durable en raison du déclin de ses réserves de pétrole. La forêt tropicale du bassin du Congo couvre 90 % du pays et est connue comme le poumon de l’Afrique. Ici, Lee White, ancien botaniste et désormais ministre gabonais de l’environnement, se tient à côté d’un okoumé. © David ROSE/PANOS-REA

Lors de la réunion des pays du Commonwealth organisée au Rwanda, entre les 20 et 26 juin, Lee White, ministre gabonais de l’environnement a déclaré que son pays voulait « exploiter ses forêts de manière durable pour générer des revenus ».

Grâce à la préservation de ses forêts, qui représentent 88 % de son territoire, le pays d’Afrique centrale veut créer 187 millions de crédits carbone dont « 90 millions seront vendus » sur le marché des compensations « aux alentours de la COP27 » prévue en novembre prochain au Caire, en Égypte, a précisé le ministre à Jeune Afrique.

Actuellement, d’après les indications du ministre gabonais, le prix du marché est  de 10 dollars en moyenne par crédit carbone. Mais cette valeur peut fluctuer dépendamment du type de projet, de son envergure, sa localisation, sa méthodologie d’implémentation, et surtout de l’offre et la demande. Lee White a expliqué que son pays espère vendre ses 90 millions de crédits carbone pour la modique somme de près de « 2 milliards de dollars »; soit quelque 20 dollars par crédit carbone. Un prix justifié par le statut  » forte densité forestière et faible déforestation » (HFLD) dont bénéficie le Gabon, grâce à sa biodiversité qui permet une absorption nette accrue de neuf tonnes de CO2  par crédit carbone.

Les forêts tropicales du bassin du Congo stockent l’équivalent d’environ 8 ans d’émissions mondiales de carbone.

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Pour rappel, la création de ces crédits carbone est rendue possible par le mécanisme REDD+ (Réduction des Émissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière) de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements  climatiques.

Stratégie performante

En l’espace de vingt ans, Libreville a inauguré plusieurs parcs nationaux comme ceux d’Akanga, de la Lopé, de Birougou, d’Ivindo, de Loango…

La stratégie gabonaise visant à préserver la nature tout en diversifiant son économie ne date donc pas d’hier, mais ce n’est que récemment qu’elle a commencé à porter ses fruits.

TotalEnergies est particulièrement heureux d’étendre ses activités à la gestion durable des forêts

Grâce à ses performances en matière de réduction de la déforestation, le Gabon a été le premier État africain à percevoir des financements. Obtenant en 2021 17 millions de dollars de l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI), un programme lancé en 2019 et soutenu par l’ONU qui prévoit de débourser un total de 150 millions de dollars dans les dix prochaines années. Selon la CAFI, ces fonds sont censés financer la recherche scientifique, la promotion et la mise en œuvre de pratiques de gestion durable des forêts.

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Rebond des secteurs du bois et de la construction

Le 27 juin, le FMI a décaissé 155 millions de dollars supplémentaires pour soutenir l’économie du pays, tout en soulignant dans sa dernière note de conjoncture que « le Gabon profite à plein du rebond des secteurs du bois et de la construction ». Dernièrement, après avoir acquis 49 % de son capital auprès de Criterio Africa Partners, TotalEnergies est devenu le premier actionnaire de la Compagnie des bois du Gabon (CBG).

« Nous sommes particulièrement heureux d’étendre nos activités, au Gabon, à la gestion durable des forêts, après plus de quatre-vingt-dix ans d’investissement et d’activité économique dans l’exploitation des ressources en hydrocarbures du pays », déclarait alors Nicolas Terraz, président de l’exploration et la production chez TotalEnergies. Selon le groupe pétrolier français, son investissement dans CBG marque le développement d’un nouveau modèle de gestion forestière, combinant à la fois la production durable de bois, la préservation de la biodiversité et la séquestration du dioxyde de carbone.

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Conformément à son ambition climatique, la multinationale indique vouloir investir 100 millions de dollars par an pour financer des projets capables de générer au moins 5 millions de tonnes de CO2 de crédits carbone chaque année d’ici à 2030.

Objectifs ambitieux

Le mois de juin aura décidément été fructueux pour le le pays, puisque, le 27, le Fonds gabonais d’investissements stratégiques (FGIS) a rejoint l’alliance Net-Zero Asset Owner, une initiative amorcée par l’ONU qui s’engage à réaliser la transition de plusieurs portefeuilles d’investissement vers la neutralité carbone.

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Le FGIS, qui a pour ambition de se fixer de nouveaux objectifs tous les cinq ans et de présenter chaque année un rapport de suivi, devient le premier fonds souverain africain à s’engager dans le financement d’activités zéro émission de gaz à effet de serre à l’horizon 2050. Cette nouvelle collaboration s’inscrit dans la droite ligne du Plan d’Accélération de la Transformation (PAT) du Gabon.