L’ancien chef de la diplomatie algérienne Sabri Boukadoum ne sera pas le prochain envoyé spécial de l’ONU et chef de la Mission d’appui des Nations unies en Libye (Manul). Le nom du diplomate algérien a été recalé après le refus des Émirats arabes unis de valider sa candidature, présentée par Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU. Pourtant, les choses s’étaient plutôt bien présentées pour Sabri Boukadoum.
Pour pourvoir à ce poste laissé vacant par Jan Kubis, démissionnaire depuis novembre, Antonio Guterres a proposé le nom de l’ex-ministre algérien après avoir eu l’accord de ce dernier, ainsi que celui des autorités algériennes, dont celui de son ami de longue date Ramtane Lamamra, actuel ministre des Affaires étrangères.
« Préoccupation régionale »
Fort de l’appui de la partie algérienne, Antonio Guterres soumet donc la candidature de l’Algérien aux quinze membres du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais sa proposition essuie le refus des Émirats arabes unis, membre non permanent de l’ONU qui représente le monde arabe.
« Seuls les Émirats arabes unis ont refusé », indique à l’AFP un diplomate ayant requis l’anonymat. Interrogé sur les motifs du refus émirati, ainsi que sur le nom du prochain envoyé spécial en Libye, le porte-parole du secrétaire général de l’ONU, Stéphane Dujarric, n’a pas souhaité fournir d’explications.
Selon plusieurs autres diplomates interrogés par l’AFP, les Émirats ont expliqué que « des pays arabes et des parties libyennes avaient fait part de leur opposition » à la nomination de l’ex-responsable algérien.
Le nom de ces pays arabes et l’identité des parties libyennes n’ont pas été précisés, mais selon nos informations, l’Égypte s’est elle aussi opposée à la nomination de l’ancien ministre algérien.
Il y a une « préoccupation régionale » à l’égard de la nomination de Sabri Boukadoum, a d’ailleurs indiqué l’un de ces diplomates, soulignant que le choix d’un ressortissant d’un pays frontalier de la Libye pose problème. Son travail serait « impossible », a ajouté cette source.
La main américaine ?
À Alger, le refus des Émiratis de valider la candidature de Sabri Boukadoum, ministre des Affaires étrangères entre 2019 et 2021, a été tout sauf une surprise. « Les Émirats ont agi en sous-main pour le compte des Américains, affirme un diplomate algérien. Ils ont agi de la même manière pour bloquer la candidature de Ramtane Lamamra alors que celle-ci avait reçu l’assentiment de l’UA et de treize membres du Conseil de sécurité de l’ONU. »
L’hostilité des Émirats arabes unis à une candidature algérienne et l’insistance manifeste de l’Algérie à briguer ce poste sensible ne sont pas nouvelles. En avril 2020, Ramtane Lamamra avait retiré sa candidature à ce poste après le refus des États-Unis d’endosser son nom.
À l’époque, les Émirats arabes unis et l’Égypte, déjà, qui soutiennent le maréchal Haftar contre le Gouvernement d’accord national de Fayez al-Sarraj, avaient entrepris un intense lobbying auprès des Américains pour barrer la route à Ramtane Lamamra, qui dirige la diplomatie de son pays depuis son retour aux affaires, en juillet 2021.
Une source diplomatique algérienne qui n’a pas souhaité être identifiée soupçonne les Américains d’avoir torpillé la candidature de Sabri Boukadoum afin de continuer à peser sur le dossier Libyen.
« Stephanie Williams, conseillère spéciale du secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres et cheffe de facto de la mission des Nations unies en Libye (Manul), veut garder la haute main sur les affaires libyennes, avance cette source. L’absence d’un envoyé spécial lui donne ainsi tous les pouvoirs pour agir en coulisses. »