La ministre israélienne de l’Intérieur, Ayelet Shaked, a atterri à Rabat le 21 juin. Elle devrait quitter la capitale marocaine ce 23 juin. Cette troisième visite diplomatique israélienne depuis la normalisation des relations entre le royaume et l’État hébreu, en 2020, intervient au moment où est lancé à Agadir, par les États-Unis et le Maroc, le plus grand exercice militaire du continent, African Lion 2022, auquel participe Israël.
L’arrivée d’Ayelet Shaked a été annoncée dès le 19 juin par le chef du bureau de liaison israélien au Maroc, David Govrin. « Au cours de sa visite, elle rencontrera le ministre de l’Intérieur, le ministre des Affaires étrangères, ainsi que plusieurs hauts fonctionnaires pour discuter de la coopération bilatérale dans des domaines d’intérêt communs » avait-il tweeté, sans plus de précision. La rencontre entre Ayelet Shaked, son homologue Abdelouafi Laftit et le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a abouti à un accord bilatéral pour l’envoi de travailleurs marocains de la santé et du BTP en Israël.
« L’objectif est de commencer d’ici un mois à faire venir des travailleurs marocains en Israël dans les secteurs des soins infirmiers et de la construction », a déclaré Shaked dans le communiqué officiel. L’accord devrait être paraphé d’ici là, même si le nombre exact de professionnels marocains concernés n’est pas encore connu.
Selon le journal en ligne ledesk.ma, relayant « des sources diplomatiques », il serait question de 250 aides-soignantes et de 600 ouvriers du bâtiment. Le média marocain évoque même une deuxième phase qui ouvrirait la voie à la main-d’œuvre agricole.
Pénurie de travailleurs
Dès décembre 2021, la ministre israélienne, lors des travaux de la commission des affaires des travailleurs étrangers à la Knesset, avait indiqué que les négociations avec le royaume avaient débuté sur ce sujet, évoquant déjà la pénurie de travailleurs infirmiers.
Dans un communiqué du département israélien de l’Intérieur, elle déclarait le 19 juin dernier : « Nous sommes certains que cette coopération avec les Marocains nous aidera à faire progresser le marché du logement et à soutenir également la population âgée en Israël. »
Environ 40 000 travailleurs manqueraient à l’industrie israélienne du BTP, selon le président du Syndicat israélien des travailleurs de la construction, Yitzhak Moyal : « Nous espérons recevoir environ 15 000 travailleurs marocains du bâtiment, par petits groupes. Cela pourrait vraiment améliorer le rythme de la construction en Israël. »
L’envoi de professionnels marocains à l’État hébreu devrait également aider à combler la pénurie de travailleurs dans le secteur de la santé, dénoncée par les professionnels au pic de la pandémie. Une commission mixte interministérielle visant à faciliter l’insertion professionnelle du personnel paramédical marocain et à examiner les modalités d’exemption de visa pour Israël avait été créé au lendemain de la normalisation.
Reste que le Maroc souffre lui-même depuis plusieurs années d’un manque de personnel de santé, confirmé par le Conseil national des droits de l’homme (CNDH) dans un rapport d’avril dernier. Deux mois plus tôt, dans une interview accordée à l’agence Reuters, le ministre marocain de la Santé, Khalid Aït Taleb, alertait sur une « pénurie aiguë » et sur un besoin de 32 000 médecins et de 65 000 infirmiers.
Shaked, étoile montante de la droite
La signature de ces accords ne saurait dissiper un certain malaise provoqué par le profil controversé d’Ayelet Shaked. En juillet 2014, après la découverte des corps de trois jeunes Israéliens enlevés et tués en Cisjordanie, elle avait partagé sur son compte Facebook un article de 2002 de l’ex-conseiller de Benyamin Netanyahou, Uri Elitzur, qualifiant les enfants palestiniens de « petits serpents » et appelant à leur meurtre.
Extrait de la publication : « Elles [ndlr : les mères palestiniennes] sont toutes des ennemies et leur sang devrait être sur nos mains. Ceci s’applique également aux mères des terroristes morts, sinon d’autres petits serpents seront élevés là-bas. » Une publication supprimée depuis, mais qui a été relayée des milliers de fois.
Née le 7 mai 1976 à Tel-Aviv, d’une mère russe et d’un père irakien, Ayelat Shaked était initialement une députée du parti ultra-nationaliste Le Foyer juif, opposé à la création d’un État palestinien. Elle est aujourd’hui numéro deux du parti Yamina, fondé en 2019 par le Premier ministre Naftali Bennett, réunissant le Foyer juif et le Parti sioniste religieux. Parmi ses chevaux de bataille : l’adoption d’un amendement limitant le pouvoir de la Haute Cour de justice et l’expulsion des demandeurs d’asile africains vers leur pays d’origine.