Politique

Maroc : les réactions à la condamnation à mort de Brahim Saadoun se multiplient

Condamné à mort le 9 juin, le jeune Marocain est détenu par les forces pro-russes depuis son arrestation en République populaire de Donetsk. Si la diplomatie marocaine a pris acte de ce jugement, les organisations des droits de l’homme locales et internationales commencent à se mobiliser.

Mis à jour le 22 juin 2022 à 11:37

Brahim Saadoun, 21 ans, lors de son procès. © Konstantin Mihalchevskiy / Sputnik via AFP

Les réactions se multiplient à Rabat depuis l’arrestation de Brahim Saadoun, le combattant marocain de 21 ans accusé d’être un mercenaire, arrêté le 12 mars puis condamné à mort par un tribunal de l’autoproclamée République populaire de Donetsk, une ville tenue par des séparatistes pro-russes dans la région du Donbass*.

Les autorités marocaines ont réagi à l’affaire le 13 juin via l’ambassade du Maroc, qui a déclaré que l’étudiant marocain s’est « enrôlé dans l’armée ukrainienne de sa propre volonté » et qu’il a été « capturé en portant l’uniforme de l’armée de l’État d’Ukraine, en tant que membre d’une unité de la Marine ukrainienne ». Elle a également confirmé que l’intéressé disposait de la nationalité ukrainienne, en plus de la marocaine.

Réactions multiples

Le 14 juin, plusieurs ONG du royaume ont lancé un appel afin de « sauver » le jeune ressortissant marocain et de lui éviter la peine capitale. La présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), Amina Bouayach, a réclamé « une intervention urgente des autorités marocaines ». Le CNDH a également indiqué avoir pris contact avec son homologue russe et contacté de nombreuses instances internationales des droits de l’Homme sur l’affaire Brahim Saadoun.

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Une autre ONG, le Collectif marocain contre la peine de mort, a publié un communiqué réclamant aux autorités « d’intervenir de toute urgence pour sauver la vie du citoyen marocain et exiger que la peine de mort ne soit pas exécutée », et demandé à ce que Brahim Saadoun puisse rentrer « en toute sécurité » au Maroc ou dans le pays de son choix.

Le 16 juin, c’était au tour de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d’appeler Moscou à ne pas appliquer la condamnation à mort du prévenu, tout en veillant à ce que ses conditions de détention soient appropriées et à ce qu’il puisse bénéficier d’une assistance médicale si nécessaire. La CEDH a par ailleurs demandé au Kremlin de lui fournir, dans un délai de deux semaines, « des informations montrant quelles actions et mesures ont été prises ».

« Une entité non reconnue par le Maroc »

Ces réactions interviennent alors que l’ancien étudiant vient d’être jugé et condamné à mort avec deux combattants britanniques, Shaun Pinner et Aiden Aslin.

Au Royaume-Uni, la situation de ces deux ressortissants anglais cause beaucoup d’émoi, et a même suscité une réaction de Boris Johnson, qui s’est personnellement impliqué dans le dossier, demandant à ses ministres de « mettre tout en œuvre » pour obtenir la libération des deux Britanniques.

L’ambassadeur ukrainien au Royaume-Uni, Vadym Prystaiko, conduit actuellement des négociations, et un échange de prisonniers entre les autorités britanniques et russes est à l’étude.

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De son côté, Rabat a souligné que Brahim Saadoun « se trouvait actuellement emprisonné par une entité qui n’est reconnue ni par les Nations unies ni par le Maroc ».

Pour rappel, Rabat n’a pris part à aucun des votes de l’ONU condamnant l’invasion russe en Ukraine. Le royaume avait expliqué que sa décision « ne saurait faire l’objet d’aucune interprétation par rapport à sa position de principe concernant la situation entre la Fédération de Russie et l’Ukraine ».

(*) Cet article, initialement publié le 14 juin, a été réactualisé pour prendre en compte les multiples réactions des autorités marocaines et organisations de la société civile.