Sénégal : comment Siny Samba veut imposer sa marque d’alimentation infantile

L’ingénieure a créé le Lionceau, première marque de nutrition infantile 100% made in Sénégal. Et ambitionne de dominer le marché national, voire de s’étendre aux pays voisins.

Siny Samba © Siny Samba, co-fondatrice du Lionceau

Publié le 29 mai 2022 Lecture : 5 minutes.

La Piña (Espagne), Hero Baby (Suisse), Blédina (France)… Dans les rayons des supermarchés au Sénégal, les parents qui initient leurs bébés à la diversification alimentaire sont rapidement confrontés à un choix limité, constitué exclusivement de marques étrangères. Des marques certes reconnues pour la qualité nutritionnelle de leurs produits, mais qui, en matière de goût, sont à des années lumières des habitudes alimentaires locales.  

C’est justement ce constat que dresse Siny Samba en 2017, lorsqu’elle séjourne au Sénégal pour ses vacances. À l’époque, elle était ingénieure au sein du département recherche et développement de Blédina (près de 700 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2020), filiale du groupe Danone consacrée à l’alimentation infantile. Aujourd’hui, la Sénégalaise de 30 ans est fondatrice et PDG de Le Lionceau, première marque alimentaire infantile 100% made in Sénégal.

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Niébé, moringa, fruit du baobab, rouye… La cheffe d’entreprise propose des petits pots adaptés aux palais locaux. Quatre ans après le lancement de Lionceau, les commandes ont été multipliées par 100 et le chiffre d’affaires de la jeune entreprise – que Siny Samba garde confidentiel pour l’instant – double chaque année. « Nous travaillons avec nos producteurs locaux et transformons tout ici, sur place, explique la jeune PDG. C’est une grande différence par rapport aux produits importés qui vont par exemple proposer de la pomme, de la fraise, de la framboise, qui sont très bons mais qu’on ne trouve pas ici. Cela attire beaucoup de parents. »

Formation Blédina

À l’origine, c’est une curiosité sans frein qui pousse Siny Samba à se spécialiser dans l’agro-alimentaire, elle qui a toujours voulu « savoir comment sont créés les aliments vendus dans les supermarchés ». Après un BTS décroché à l’Institut Sainte Jeanne D’Arc Postbac, cette native de Dakar s’envole pour la France où elle obtient quelques années plus tard son diplôme d’ingénieur à Montpellier. Elle est embauchée chez Blédina, évolue dans cette entreprise « très structurée » et en comprend le fonctionnement à chaque niveau. Ambassadrice des « Mille premiers jours » au sein de l’entreprise, elle travaille aux côtés des services qualité et marketing de la multinationale, un poste qui s’est avéré déterminant pour la suite. Par exemple, « pour tout ce qui concerne la validation des informations devant figurer sur l’emballage, je connaissais déjà tout », affirme Siny Samba.  

C’est d’abord en France que l’idée, née au Sénégal, a commencé à prendre forme. De retour de vacances, Siny Samba créé Le Lionceau avec Rémi Filastò, ancien camarade à l’école d’ingénieurs. Ils se lancent avec 60 000 euros de fonds propres. Puis, grâce au financement et le soutien de Women Investment Club (WIC), de Hub Impact Dakar, la Délégation générale à l’Entreprenariat Rapide (DER), Teranga Capital et plus récemment d’Investisseurs et Partenaires, investisseur dédié aux PME basées en Afrique subsaharienne, les deux associés parviennent à lever 150 000 euros supplémentaires pour financer leur business sur un marché encore balbutiant. « Il est très difficile de mesurer la taille réelle du marché. Nous l’estimons à près de 5 000 tonnes par an au Sénégal, hors lait infantile », indique tout de même Siny Samba.  

Une industrie très réduite 

Pour s’assurer que leur projet « tient la route », Siny Samba et Rémi Filastò organisent d’abord des tests en France en se rapprochant de la diaspora sénégalaise. Arrivés au Sénégal, ils poursuivent les essais avec des groupes de mamans et finalisent leur business plan avec le soutien de l’ADPME, l’Agence de développement et d’encadrement des petites et moyennes entreprises. Cette structure a spécialement pour objectif d’aider les « repats » à adapter leur business plan aux enjeux locaux, qu’ils ne maîtrisent pas forcément.

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« On voulait investir beaucoup et être tout de suite grand, gros. Puis, au moment de commencer, on avait l’impression qu’on roulait un peu à contre-courant parce que les choses étaient très lentes ici au Sénégal, comparé à ce qu’il se passe en France », se souvient Siny Samba. Par ailleurs, il fallait trouver une usine de transformation pour lancer la production. « L’idée était de se rapprocher d’un industriel et de collaborer en utilisant ses locaux pour faire de la transformation. Il n’en existait pas dans ce secteur », déclare-t-elle.

Mais sur ce point, les gérants d’usines à l’environnement adéquat (notamment en termes de réglementation pour l’alimentation infantile) n’étaient pas ouverts à une telle collaboration. Selon la dernière étude disponible, réalisée en 2015, l’industrie agroalimentaire sénégalaise compte environ 15 000 entreprises de transformation, mais près de 97 % d’entre elles sont principalement des opérations informelles.  

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Expansion prochaine 

C’est donc dans les locaux de l’ancienne école de Siny Samba, l’Institut Sainte Jeanne D’Arc Postbac, dotée d’équipements dédiés, que commence l’aventure de Lionceau. Côté fournisseur, la stratégie était celle de privilégier des circuits courts, en travaillant uniquement avec des producteurs locaux. Grâce à Enda-Pronat, une ONG spécialisée, il a été possible d’entrer en relation avec des agriculteurs sénégalais, unis autour d’un groupement d’intérêt économique (GIE). « Pour moi, se lancer dans l’entrepreneuriat aujourd’hui, c’est essayer de mettre en place une économie circulaire pour que tout le monde puisse en bénéficier », déclare Siny Samba. Pour cette dernière, « acheter localement revient à faire le lien entre les agriculteurs et les bébés ».  

Côté distribution, le Lionceau a d’abord été disponible uniquement en livraison puis, progressivement, en grande surface. « Les supermarchés se rendent compte que les mamans privilégient notre marque. De fait, nos produits qui étaient très mal exposés avant ne le sont plus maintenant », témoigne Aissatou Ngom, chargée de la relation client au Lionceau, précisant que la clientèle de la marque est constituée dans sa quasi-totalité de mamans actives, issues de la classe moyenne ou aisée, qui s’intéressent à la qualité nutritionnelle et à l’origine locale des produits. 

Désormais, l’entreprise qui possède une capacité de production équivalente à 500 pots et 1 000 paquets de farine infantile par jour entend dominer le marché sénégalais en créant des réseaux de distribution solides sur l’ensemble du territoire. Et ambitionne de s’élargir à d’autres marchés de la zone Cedeao.  

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