Chingoo Sy a réussi le plus dur. Le 10 mars, à la demande de la présidence, ce jeune rappeur très actif dans le milieu associatif à Keur Massar a rassemblé des centaines de jeunes pour qu’ils expriment leurs doléances à Macky Sall. La séance s’est déroulée dans une salle de l’unique lycée public du département. Le chef de l’État sénégalais, lui, n’était pas sur place. Stylo et calepin à la main, il écoutait depuis son palais les récriminations d’une jeunesse désabusée via la plateforme de téléconférence Zoom. Des échanges diffusés en direct sur la chaîne Leral TV.
Keur Massar était la deuxième étape, après Pikine, d’un périple virtuel dénommé « Jokko Ak Macky » (littéralement « Rencontre avec Macky »). L’opération séduction vise en priorité l’électorat jeune, enclin à voter pour l’opposition. « Le président voulait parler directement aux populations sans filtre. Pas à des militants déjà acquis à sa cause », explique Chingoo Sy, également président d’Africa Nitté Family, une association qui se dit apolitique.
Le pari était tout de même risqué. Six semaines plus tôt, Benno Bokk Yakaar (BBY), la coalition au pouvoir, avait été laminée lors des élections locales du 23 janvier dans cette ancienne commune érigée en département en novembre 2021. Sur les six communes qui le composent désormais, cinq ont été raflées par Yewwi Askan Wi (YAW), la coalition de l’opposition. « Macky Sall espérait qu’en faisant de Keur Massar un département à la veille des élections, les populations lui renverraient l’ascenseur en lui donnant la victoire, explique Cheikh Sidou Sylla, le directeur de publication du média en ligne Infos15, qui habite à Keur Massar. Ce n’est pas ce qu’il s’est passé. »