Foncier africain : près de huit transactions sur dix ne sont pas en règle

Malgré la mise en place de directives internationales, la majorité des transactions foncières réalisées sur le continent souffrent de lacunes juridiques, selon un récent rapport sur les investissements en Afrique.

Une vue aérienne de la jeune ferme d’avocatiers de KiliAvo Fresh Ltd, avec le Kilimandjaro en arrière-plan, à Kimana, au Kenya, le 2 mars 2021. © AFP.

Publié le 17 mai 2022 Lecture : 2 minutes.

En dépit des avancées politiques aux niveaux international et national, les pratiques d’investissement et de gouvernance foncière sur le terrain changent peu. Le 16 mai, l’ONG Land Matrix a publié une nouvelle étude sur les investissements fonciers en Afrique, indiquant leur très faible conformité avec les principes édictés par les Directives volontaires sur les régimes fonciers, adoptées par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) en 2012.

De fait, sur un total de 540 acquisitions foncières évaluées sur le sol africain, 78 % présentent des niveaux insatisfaisants d’adoption et de mise en œuvre de ces mesures ; 20 % n’en respectent aucune et 87 % des pays présentent de mauvais résultats.

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Expropriations

Sur la base des données de transactions foncières existantes recueillies au cours de ces douze dernières années, les chercheurs de Land Matrix – dont le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) fait partie – ont comparé leurs méthodes de calcul aux directives de la FAO.

« Nous avons pris ces directives non pas pour les évaluer, mais pour les utiliser comme références dans l’analyse des investissements des acteurs, des investisseurs, du foncier », explique Ward Anseeuw, chercheur au Cirad accueilli à l’International Land Coalition et co-auteur de l’étude. « L’une d’entre elle par exemple concerne les peuples autochtones et les communautés locales, le respect de leurs droits, l’inclusion de cette population dans les négociations. »

Dans ce contexte, les auteurs alertent sur la nature des processus consultatifs lors de ces investissements, souvent faibles ou inexistants. « Cela conduit non seulement à l’absence de mise en œuvre des garanties environnementales, mais aussi à des expropriations illégales et à une application minimale des mesures de compensation convenues par la loi », précise Ward Anseeuw pour qui, sans la mise en place d’autorités régulant ces transactions, les mauvaises pratiques continueront.

Manque de données

Le rapport met également en lumière le manque de considération pour les droits d’occupation légitimes, notamment ceux des communautés locales et des peuples autochtones, et le peu de respect des droits humains.

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Malgré dix années de collecte et d’analyse de données dans le monde entier, seuls 23 pays ont pu être évalués. 190 des 730 transactions foncières rassemblées ne présentaient pas de données suffisantes et ont dû être écartées.

Jérémy Bourgoin, chercheur au Cirad et co-auteur de l’étude, précise : « Pour l’Afrique, la plupart des pays et des transactions foncières ne couvrent qu’entre 5 à 20 % des données nécessaires à l’évaluation. Nous faisons sans cesse face à un manque de transparence autour des investissements et des investisseurs. »

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Accélérer les réformes

En février 2022, la Commission européenne a adopté une proposition pour une directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité, visant à prévenir et à remédier aux violations des droits humains et de l’environnement. Un texte inédit qui renforcerait la protection des travailleurs, des communautés affectées et de l’environnement.

« En l’état actuel, le projet ne répond pas complètement aux attentes, prévient Ward Anseeuw. Il s’appuie sur les codes de conduite des entreprises et les clauses contractuelles entre entreprises et fournisseurs, et risque d’être appliqué dans l’obscurité totale. »

À la lumière des résultats de son étude, Land Matrix recommande plutôt d’accélérer la réforme foncière dans chaque pays, et d’imposer une responsabilité plus stricte et plus contraignante aux entreprises et aux pays investisseurs. « Avec une transparence et un suivi accrus », insistent les scientifiques.

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