D’Ella Fitzgerald à Wizkid, le virage radical d’Aṣa

Avec « V », son cinquième opus, enregistré à Lagos, la chanteuse nigériane a pris le temps de renouer avec la scène locale. Et s’offre des collaborateurs de choix, comme Wizkid.

La chanteuse nigériane Asa. © ASA/PLATOON

eva sauphie

Publié le 7 mai 2022 Lecture : 3 minutes.

Fini le look de folkeuse sage à guitare. Asa a troqué ses énormes lunettes de vue noires – sa marque distinctive depuis le début de sa carrière – contre des verres teintés tape-à-l’œil. Sur son compte Instagram, elle ose même le port des grillz, l’accessoire favori des rappeurs américains. Signe d’un virage à 180 degrés pour cette passionnée de jazz, bercée dès son enfance par Ella Fitzgerald et par les vinyles de son père, de Marvin Gaye à Fela Kuti.

À 39 ans, Asa (prononcer « Acha », en yoruba, Bukola Elemide de son vrai nom) fraye avec les poids lourds de la pop music nigériane. Dans son nouvel album, « V » (« Five »), le cinquième donc, elle s’est entourée de Wizkid, le roi de l’afrobeat, de The Cavemen, un groupe de high life, et de la chanteuse de soul ghanéenne Amaarae, 27 ans. Une petite cure de jouvence teintée de pop pour celle qui nous a habitués à des collaborations subtiles, comme celle avec le flûtiste de jazz Malik Mezzadri dans son premier opus Aṣa, prix Constantin en 2008.

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« Heureuse et joviale »

Ce désir de changement s’est d’ailleurs fait sentir dès 2019, quand l’artiste s’est séparée de son écurie française historique, Naïve Records, pour publier Lucid sur son propre label, Rue 11. « J’avais besoin de reprendre le contrôle de mon image, d’être complètement libre de gérer ma carrière et d’être la réelle Asa, plus heureuse et joviale », glisse-t-elle depuis son studio de musique à Lagos, dissimulée derrière ses montures noires.

La France m’a beaucoup donné, mais mes morceaux ont toujours été inspirés par Lagos

Née à Paris de parents nigérians rentrés au pays peu de temps après sa naissance, Asa s’est d’abord fait un nom en France, pays qu’elle adopte à l’âge de vingt ans alors qu’elle commence « sur le tard » à grattouiller sa six cordes. Pour celle qui a longtemps gravité autour de la scène francophone, en collaborant par exemple avec le chanteur de reggae ivoirien Tiken Jah Fakoly ou avec le Français Yannick Noah, il était temps de renouer avec le pays qui l’a vue grandir. « J’ai eu besoin de me reconnecter aux acteurs qui font bouger la musique de chez moi », concède-t-elle.

Loin du vacarme de la ville

Au printemps de 2020, la chanteuse doit en effet interrompre sa tournée européenne en raison de la pandémie de Covid-19. Après un concert en Allemagne et un passage à Paris, elle pose finalement ses valises à Lagos. « Rentrer à la maison a été la meilleure décision que j’ai prise, avoue-t-elle. Sans cette longue parenthèse au pays, je n’aurais jamais rencontré les artistes et ceux qui ont participé à cet album, comme mon producteur Priime. »

« Revenir chez moi m’a été bénéfique sur le plan artistique, soutient cette compositrice nomade, qui ne sillonne jamais les routes sans son carnet de notes. Je n’ai jamais voulu perdre le contact avec le Nigeria, La France m’a beaucoup donné, mais mes morceaux ont toujours été inspirés par Lagos ».

Ici, tout le monde connaît l’histoire de mes textes, leurs paroles, mes expressions

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Composé loin du vacarme de la ville, dans sa résidence située aux abords de la lagune, son dernier opus est un écrin de douceur et de légèreté. Asa chante l’amour, et encore l’amour. « Le monde est connecté maintenant, il n’y a plus de frontières. Le public écoute de la musique pour s’évader et continuer à vivre », justifie-t-elle quand on lui demande qui sont les héritiers de Fela Kuti et pourquoi la scène actuelle est uniquement placée sous le signe de l’entertainment.

Yoruba, pidgin et anglais

La chanteuse refuse l’étiquette d’activiste. On l’a pourtant connue plus militante, lorsqu’elle chantait contre les violences faites aux femmes, dans son précédent album, sur le morceau « Murder in the USA », ou en faveur des personnes atteintes du VIH, à Abidjan, en 2015. C’est une Asa, « plus sereine et en paix avec [elle-]même », qui compte transmettre une énergie positive à la jeunesse nigériane en mai à l’Eko Hotel de Lagos, un complexe de grand standing où elle s’est déjà produite à deux reprises.

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« Je suis à la maison, à Lagos. Tout le monde connaît l’histoire de mes textes, leurs paroles, mes expressions, confie la polyglotte qui passe de l’anglais au français, sa langue de cœur qu’elle a pourtant abandonnée dans cet album au profit du yoruba, du pidgin et de l’anglais. C’est comme une conversation avec le public, avec une famille ».

L’artiste, qui est déjà montée sur scène au Togo, au Liberia, au Kenya, au Malawi et au Zimbabwe espère un jour partir en « tournée partout en Afrique ». En attendant d’accomplir « ce rêve », elle compte retrouver son public de la première heure, lors d’un concert parisien prévu en septembre, à La Cigale.

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