Politique

RDC – États-Unis : 1 milliard de dollars pour le captage de carbone

Alors qu’un nouveau partenariat entre Kinshasa et l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (Cafi) se met en place, un autre accord fait l’objet de difficiles négociations entre le ministère congolais de l’Environnement et l’américain dClimate. Explications.

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Mis à jour le 3 mai 2022 à 14:18

La vice-Première ministre chargée de l’Environnement, Eve Bazaiba. © MEDD RDC

L’Inspection générale des finances (IGF) a récemment dressé un constat accablant de la gestion des concessions forestières congolaises. Et pourtant, le secteur local du bois continue de susciter beaucoup d’intérêt chez les partenaires internationaux, mais aussi de la part des entreprises privées.

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Selon nos informations, outre l’accord de financement conclu en novembre 2021 avec l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale (Cafi), un mémorandum d’entente a récemment fait l’objet de discussions entre le ministère congolais de l’Environnement et la société américaine dClimate.

Registre des crédits carbone

Les négociations ont débuté en janvier avec une première visite d’une délégation de l’entreprise en RDC. Un contact préalable avait été établi en décembre à l’occasion d’un déplacement à Washington du « monsieur États-Unis » de Félix Tshisekedi, Serge Tshibangu. Ce dernier a été présenté aux investisseurs de dClimate par l’entremise de l’ancien envoyé spécial américain pour la région des Grands Lacs, J. Peter Pham. Parmi les personnes impliquées dans la société figurent notamment le milliardaire américain Mark Cuban et le fondateur de Chainlink, Serguey Nazarov.

Les discussions se sont poursuivies en mars, à l’occasion de la venue à Kinshasa d’une importante délégation américaine emmenée par Brian Nelson, sous-secrétaire du Trésor américain pour le terrorisme et les renseignements financiers. Les fondateurs de dClimate, Philip Heilberg et Si Jha, ont alors présenté leur projet aux autorités congolaises, et notamment à la vice-Première ministre chargée de l’Environnement, Eve Bazaiba. Objectif : développer un système de registre des crédits carbone en RDC et permettre leur monétisation.

500 000 hectares de forêt

L’accord est censé rester en vigueur dix ans et porte sur un montant de près de 1 milliard de dollars, répartis en dix tranches annuelles. Pour que le protocole d’entente soit finalisé, les autorités congolaises doivent notamment définir un espace géographique à partir duquel le projet pourra être développé. Il s’agirait, selon nos informations, d’une surface d’au moins 500 000 hectares de forêt et de tourbières renfermant plusieurs dizaines de millions de tonnes de dioxyde de carbone.

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Si l’accord venait à être conclu, la société dClimate ouvrirait un bureau à Kinshasa et financerait les opérations de cartographie de l’aire délimitée. De son côté, le gouvernement congolais s’engagerait à prévenir la déforestation dans la zone et à maintenir des politiques et des procédures de contrôle conformes aux règles des organismes américains et aux lois anticorruption des États-Unis.

Cinq mois après l’ouverture des négociations, les discussions semblent néanmoins au point mort. Une délégation de dClimate s’est, selon nos informations, rendue en RDC en avril afin de finaliser le projet, mais aucun accord n’a été conclu.

Ce retard agace les partenaires américains, qui dénoncent l’attitude du ministère de l’Environnement. « Ils représentent le type même d’investisseurs de premier plan que Kinshasa prétend vouloir attirer. Leur abandon du projet – à cause du traitement minable qu’ils ont reçu de la part du ministre et du ministère – sera un signal très négatif envoyé aux autres investisseurs américains sur le climat des affaires en RDC », s’agace J. Peter Pham.

Joint par Jeune Afrique, le cabinet d’Eve Bazaiba se montre plus optimiste et évoque plutôt un « problème de procédure ». « Le projet est toujours en cours de discussion et il va bientôt être présenté au gouvernement en conseil des ministres », précise-t-il. Par ailleurs, « selon le code forestier, toute surface supérieure à 300 000 hectares ne peut être octroyée que par la présidence de la République ».