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Le Mali face aux sanctions de la Cedeao
Coup de tonnerre dans le ciel malien et nouvelle passe d’armes entre Paris et Bamako. Mercredi 27 avril, le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement de transition, a accusé « certains vols d’avions de renseignements et de drones » français, de s’être « livrés » ces derniers mois, à des « activités considérées comme de l’espionnage, de l’intimidation et de la subversion ».
Selon la junte, la France a « violé l’espace aérien malien alors même qu’au début de l’opération Kélétigui, lancée fin 2021, l’armée de l’air malienne a instauré une zone d’interdiction temporaire [de survol] » sur une partie du territoire pour « sécuriser l’espace aérien » et « garantir la liberté d’action des Fama en opération ».
Ces accusations interviennent seulement quelques jours après que l’armée française a dénoncé une mise en scène par les mercenaires de Wagner, d’un prétendu charnier laissé qu’elle aurait laissé derrière elle après avoir céder sa base de Gossi.
Dans ce contexte tendu, la riposte de la France aux déclarations d’Abdoulaye Maïga ne s’est pas faite attendre. « On se perd dans des notions d’espionnage et de violation de l’espace aérien, alors qu’à Gossi, il s’est déroulé un crime de guerre », a dénoncé le colonel Pascal Ianni, le porte-parole de l’état-major français, lors d’un point presse convoqué pour l’occasion jeudi 28 avril, réfutant que le survol de cette base ait été « illégal ». Qu’est-il réellement ?
Zone d’interdiction temporaire
Alors que depuis le déclenchement de l’opération française Serval (devenue Barkhane) en 2013, l’armée française avait le droit de survoler tout le territoire malien sans demander d’autorisation à Bamako, la junte a récemment changé les règles.
Le 14 janvier, elle a mis en place une zone d’interdiction temporaire (ZIT), qui a été légèrement rétréci le 14 mars. Concrètement, Paris doit désormais demander une autorisation pour passer au-dessus des territoires de cette ZIT.
Une décision qui fait l’objet de diverses interprétations légales : pour le colonel Ianni, « dans la hiérarchie des normes, c’est le Sofa [accord de statut des forces à l’étranger qui régit le cadre de la présence militaire française au Mali depuis 2013] qui compte », estime-t-il, ajoutant que la France « dispose d’une totale liberté de circulation et d’action dans le cadre de la lutte contre les groupes armés terroristes ».
Opération des mercenaires de Wagner
Cette dispute juridique semble caduque : en effet, selon des documents que Jeune Afrique a pu consulter, lorsque le drone de l’armée française a survolé son ancienne base pour y capturer les images fournies aux médias (selon elle, les 20 et 21 avril), la ZIT décrétée par Bamako ne couvrait pas Gossi.
L’interdiction n’a été étendue à Gossi que suite à l’envoi, le 27 avril dernier, d’une lettre de la présidence malienne au chef d’état-major de l’armée française, annonçant un nouveau périmètre d’interdiction.
Ces ajustements couvrent à chaque fois les zones d’opération des mercenaires de Wagner, estime le porte-parole de l’état-major de l’armée française. En effet, depuis le 14 janvier, la zone de Niono, où un charnier imputé aux Fama et à la société privée russe a été retrouvée, était couverte par la ZIT. Avant d’être étendue à Gossi, où la France assure que les hommes de Wagner se sont déployés juste après son départ.
Des accusations à même de continuer à alimenter la bataille de l’information que se livrent Paris et Bamako, alors que le Mali continue à démentir avoir recours à des mercenaires.