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Burundi : petit État, grandes ambitions
Quoi de mieux qu’une onction pontificale pour normaliser le régime du catholique président burundais Évariste Ndayishimiye ? Dans les officines des capitales politique, Gitega, et économique, Bujumbura, il se murmure avec insistance que le souverain pontife pourrait fouler le sol burundais en 2023. Séjour qui serait associé à un périple congolais du pape François et coïnciderait avec le 125e anniversaire de l’Église romaine au Burundi, tout juste vingt ans après l’attentat qui a coûté la vie au nonce apostolique, Michael Courtney.
Le 26 mars dernier, le chef de l’État burundais avait rencontré le Saint-Père au Vatican, ainsi que la communauté Sant’Egidio, réputée pour ses interventions pacificatrices en Afrique, notamment dans le Burundi des années 1990. Fervent pratiquant, Évariste Ndayishimiye aime organiser des « séances de moralisation » et entend ériger une basilique sur la colline sacrée de Mugera, plus connu sous le surnom de « Lourdes burundaise ».
Bâton de pèlerin
Si l’actuel chef de l’État est le digne héritier de son prédécesseur Pierre Nkurunziza – lui-même pieux (évangélique) et autoproclamé président par « volonté divine » -, les crispations identitaires exacerbées de ces dernières années et la légitimité contestée du troisième mandat de 2015 avaient conduit à des convulsions internes et à un isolement sur la scène internationale. Au décès de Nkurunziza, le successeur de Pierre n’aura de cesse de ravaler cette façade burundaise que le successeur de Saint-Pierre pourrait donc bénir.
Ces deux dernières années, la diplomatie burundaise n’a eu de cesse de redorer son blason à l’ONU, notamment pour éviter le maintien d’une mission d’enquête sur de présumées violations des droits de l’homme. De plus en plus d’activistes exilés rentrent au pays. Des médias bâillonnés, comme la BBC, ont été autorisés à émettre de nouveau et le Conseil national de la communication laissait entendre, fin mars, que les sanctions contre d’autres organes de presse seraient probablement levées.
Sur le plan diplomatique sous-régional, l’actuel chef de l’État a repris le bâton de pèlerin que son prédécesseur avait remisé. Le dégel avec le voisin rwandais s’est accéléré. En matière de coopération Nord-Sud, les relations diplomatiques entre le Burundi et les pays membres de l’Union européenne ont été rétablies.
Aussi discret que Nkurunziza était exubérant, Évariste Ndayishimiye s’est également attiré les bonnes grâces des autorités sanitaires internationales, en prenant le contre-pied de son prédécesseur en matière de lutte contre la Covid-19.
Conquête des droits civils
“Ripolinée”, la réputation du Burundi ? Deux ans après le début de l’actuel mandat présidentiel, chat activiste craint l’eau froide de l’opportunisme. Les chancelleries dissimulent leur prudence derrière des sourires de bon aloi et les organisations indépendantes n’applaudissent que du bout des doigts.
Chat activiste craint l’eau froide de l’opportunisme
Début avril, l’ONG Reporters sans frontières reconnaissait des progrès en matière de liberté d’expression, mais « lents et limités ». Comme pour accompagner la normalisation tout en restant prudent, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies vient de nommer un nouveau rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Burundi.
Hélas, en cette ère de souveraineté revendiquée, l’indispensable pression que doit exercer la population burundaise sur ses élus est parfois émoussée par de nombreux chats à fouetter. Dans un contexte économique morose, la conquête des droits civils est ponctuellement parasitée par des contingences domestiques comme, à la mi-avril, l’envol des prix de l’essence et du gasoil, ainsi que les inondations dans Bujumbura ou Gatumba, à la suite d’une crue du lac Tanganyika.