RDC – Visite du pape François : faut-il traquer les prêtres qui ont des enfants ?

À quelques mois de la visite du Saint-Père, du 2 au 5 juillet prochain, les évêques congolais veulent pousser les religieux ayant des enfants à quitter les ordres. Et s’il s’agissait simplement d’une énième bombe que le Vatican souhaite désamorcer en amont ?

Les évêques de l’Église catholique congolaise ont participé aux négociations entre pouvoir et opposition pour tenter de trouver une issue à la crise politique autour de la succession du président Joseph Kabila, en 2016. © REUTERS/Thomas Mukoya

  • Ludovic Lado

    Universitaire jésuite, directeur du Cefod Business School de N’Djamena

Publié le 24 avril 2022 Lecture : 3 minutes.

Le 4 avril dernier, les évêques de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco) publiaient un document de dix-neuf pages sur la fidélité au célibat sacerdotal. L’élément le plus médiatisé de ce rapport est l’invitation faite aux prêtres ayant des enfants de quitter le sacerdoce pour s’occuper de leur progéniture.

Solution pertinente

Le problème est réel, mais le renvoi de l’état clérical est-il une solution pertinente ? La recommandation des évêques congolais n’a pas manqué de relancer le débat sur le caractère normatif du célibat sacerdotal pour le clergé de rite romain. L’ouverture du mariage aux membres du clergé qui souhaitent avoir des enfants peut être une solution. Mais le pape François ne s’est pas montré favorable à cette option, qui aurait pourtant l’avantage de permettre aux prêtres d’assumer leur responsabilité de père sans quitter les ordres.

La dimension économique avait prévalu dans les délibérations originelles ayant finalement abouti à l’institution du célibat sacerdotal

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La dimension économique du débat n’est pas négligeable, car le problème de la prise en charge des enfants d’un prêtre en exercice se pose. Qui l’assume, le prêtre ou son diocèse ? Avec quels moyens ? N’oublions pas que cet aspect avait prévalu dans les délibérations originelles ayant finalement abouti à l’institution du célibat sacerdotal. Il s’agissait de protéger les biens de l’Église de la prétention à l’héritage de la progéniture du clergé. L’Église a tranché : les prêtres n’auront pas d’enfants. Oui, mais quand ils en ont ?

Sur le plan légal, si le droit canon qui régit la vie de l’Église punit un prêtre qui contracte un mariage civil, il reste curieusement silencieux sur les cas des prêtres géniteurs en exercice. Jusqu’ici, leur gestion était laissée à la discrétion de chaque évêque, en fonction du caractère scandaleux et public de la situation. En publiant leur lettre, les évêques congolais ont rompu avec cette tradition de silence.

Tolérance zéro

Mais pourquoi seulement au Congo alors que le problème est universel ? Pourquoi l’Église universelle ne légifère-t-elle pas sur le sujet ? La question reste posée. Le lien avec la prochaine visite du pape François au Congo a été vite fait, à tort ou à raison !  Quoi qu’il en soit, un tel document sur un sujet aussi sensible ne peut pas avoir été publié sans l’aval du Vatican. Qu’il soit signé par l’épiscopat d’un pays qui compte le plus grand nombre de catholiques en Afrique n’est pas anodin non plus.

Pour que le Vatican autorise la publication du document, un grand nombre de plaintes ont dû lui parvenir des églises locales

Je postule que la portée de ce document est plus que nationale. N’oublions pas que le pape François s’est déjà fait remarquer par sa politique de tolérance zéro à l’égard des prêtres pédophiles qui sont désormais systématiquement renvoyés de l’état clérical. Traquer les prêtres ayant des enfants ne serait-il pas une énième bombe que le Vatican souhaiterait désamorcer en amont ? Il y a lieu de le penser, surtout après les dégâts causés par la mauvaise gestion des cas de prêtres pédophiles. Pour que le Vatican en arrive à autoriser la publication d’un tel document qui rompt avec une certaine pratique, il doit y avoir un nombre non négligeable de plaintes qui lui sont parvenues des églises locales.

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Pour qui connaît le modus operandi des conférences épiscopales africaines, l’unanimité d’un épiscopat africain sur un sujet aussi délicat est une exception. Or tous les évêques congolais, sans exception, ont signé ledit document sur une question que l’Église (universelle comme locale) n’aborde habituellement qu’avec beaucoup de prudence et loin des caméras. L’unanimité des évêques congolais tranche avec la réception contrastée de leur document dans les milieux cléricaux. Si certains pensent qu’il s’agit d’un phénomène marginal qui devrait être traité discrètement, et au cas par cas, d’autres estiment que c’est l’occasion d’en finir avec l’hypocrisie.

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