Politique

Cameroun : Messanga Nyamding, un militant pro-Biya dans l’œil du cyclone

Convoqué par le conseil de discipline du RDPC, le célèbre militant est dans le collimateur du parti. En cause, plusieurs sorties médiatiques très virulentes envers sa famille politique.

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Par - à Yaoundé
Mis à jour le 15 avril 2022 à 14:53

Pascal Messanga Myamding© DR Pascal Messanga Myamding © DR

Le vent a-t-il tourné pour Pascal Charlemagne Messanga Nyamding ? Répondant à une convocation qui lui avait été adressée cinq jours plus tôt, l’universitaire a dû se présenter devant le conseil de discipline du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) mercredi 13 avril. Pendant près de trois heures, il s’est défendu des accusations portées contre lui par des responsables de sa chapelle politique.

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Selon la commission de discipline que dirige l’ancien Premier ministre Peter Mafany Musonge, il est reproché à Messanga Nyamding des sorties sur les plateaux de télévision dans lesquelles il met « à mal l’action du gouvernement ».

Tirs à boulet rouge

Dans les faits, Messanga est accusé de qualifier certains membres du gouvernement de « bandits à col blanc », d’avoir tenté de radicaliser la grève des enseignants en mars dernier en leur apportant son soutien, de critiquer de manière exacerbée le RDPC et ses cadres et enfin, d’avoir incité au soulèvement et à la prise du pouvoir par l’armée. 

Je ne suis qu’un bouc émissaire que certains pouvoiristes veulent éliminer par tous les moyens

Pour sa défense, l’accusé a tout d’abord plaidé la liberté d’expression, avant, une nouvelle fois, de tirer à boulet rouge sur certains de ses camarades. Il affirme faire l’objet d’un complot ourdi par la présidence de la République. « Il est, j’en ai maintenant la preuve, l’initiateur majeur de ma convocation (…) Je ne suis qu’un bouc émissaire que certains pouvoiristes veulent éliminer par tous les moyens, y compris physiques », a-t-il indiqué sur sa page Facebook, une référence à peine voilée à Ferdinand Ngoh Ngoh, avec qui Nyamding entretient une relation tumultueuse.

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Aucune mesure de rétorsion n’a pour l’instant été adoptée à l’encontre de Messanga Nyamding à l’issue des débats. Le verdict de la commission de discipline devrait préalablement être communiqué au président national du parti Paul Biya, avant d’être notifiée au célèbre militant. Celui-ci réussira-t-il à sauver une nouvelle fois sa peau ?

Récidiviste

Membre du comité central du RDPC et laudateur invétéré de Paul Biya, Messanga Nyamding n’en est pourtant pas à sa première convocation devant la commission de discipline du RDPC. Après les élections locales de 2013 déjà, Messanga Nyamding fut soupçonné d’avoir manœuvré pour faire obstacle aux listes du RDPC dans son village à Yabassi dans le Nkam (Ouest).

Au total, 165 militants avaient été traduits devant la commission de discipline du parti à la suite de ces scrutins. Huit ont été définitivement exclus, mais pas Nyamding qui n’a écopé que d’un blâme. À cette époque déjà, il voit derrière cette affaire l’ancien ministre Pierre Moukoko Mbonjo, ancien directeur de cabinet de Peter Mafany Musonge, le président de la commission de discipline du RDPC.

Il crie au scandale et dénonce une sanction disciplinaire et accuse Ferdinand Ngoh Ngoh

En mars 2021, l’histoire semble se répéter. Sur décision du ministre de l’Enseignement supérieur, Messanga Nyamding est affecté en complément d’effectif à l’annexe de l’université de Ngaoundéré à Garoua, dans le nord du pays.

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Une fois de plus, il crie au scandale, dénonce une sanction disciplinaire et accuse Ferdinand Ngoh Ngoh d’être à la manœuvre. Nyamding en est convaincu, « des proches du Président jouissent de leurs fonctions de pouvoir pour exterminer moralement ceux qui ne sont pas dans leurs cercles d’influence ». Sauf que si ses sorties virulentes sont saluées par la population, ses camarades le soupçonnent de manœuvrer contre un camp qu’il prétend servir.

Refondation du RDPC

Après avoir milité pendant de longues années au sein du RDPC au sein de la diaspora française, Messanga Nyamding est retourné au Cameroun au courant de la décennie 2000. Maître de conférences en science politique et en droit public, il est nommé chef de département à l’Institut des relations internationales du Cameroun (IRIC) à son retour.

En bon rhéteur, il devient la coqueluche des médias où son franc-parler est particulièrement apprécié. Il se présente comme un “biyaïste” et rejoint l’aile progressiste du parti qui milite pour une refondation du RDPC.

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Mais à Yaoundé, cette envie de faire bouger les lignes n’est pas toujours bien vue par les conservateurs du parti. Ceux-ci soupçonnent des tentatives de déstabilisation et certains caciques regrettent que les positions publiques de Messanga Nyamding rappellent celles de l’opposition.

Droit de réserve

Nyamding estime aujourd’hui faire partir des « oubliés » du camp présidentiel. « On nomme même des gens qui ont insulté le président. Mais nous autres qui l’avons défendu contre vents et marées, personne ne nous voit », se lamentait-il récemment sur un plateau de télévision.

S’il savait se faire un peu plus discret, les choses seraient peut-être différentes pour lui

« Dans notre parti, comme dans l’administration, le droit de réserve est d’or. S’il savait se faire un peu plus discret, les choses seraient peut-être différentes pour lui, car ce n’est pas la compétence qui lui manque”, affirme un cadre du RDPC.  

L’heure de la rupture a-t-elle sonné ? Alors que les soutiens de Messanga Nyamding semblent se réduire comme une peau de chagrin, peu d’options lui restent. En attendant son verdict, le politologue tente de mobiliser autour de lui. « Nous ne laisserons pas le parti tomber entre leurs mains. Le président est en danger, prenons-en conscience. »