Politique

Niger : qui est Ousmane Cissé, l’ex-ministre accusé de deux tentatives de coup d’État ?

Interpellé le 8 avril, l’ancien ministre de l’Intérieur serait impliqué dans deux complots visant à prendre le pouvoir à Niamey, en mars 2021 et mars 2022. Du Niger au Tchad, de Bouaké à Kinshasa, portrait d’un policier de carrière très surveillé depuis une décennie.

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Mis à jour le 14 avril 2022 à 08:49

Ousmane Cissé en décembre 2018. © cisseousmane.ibrahima/Facebook

Ousmane Cissé avait été convoqué par la gendarmerie le vendredi 8 avril pour répondre aux questions d’un juge d’instruction chargé d’enquêter sur les tentatives de coup d’État ayant visé Mohamed Bazoum en 2021 et 2022. Quelques heures plus tard, celui qui occupait encore le poste d’ambassadeur du Niger au Tchad en février dernier était placé sous mandat de dépôt et écroué à la prison de Birni N’Gaouré, dans la région de Dosso, dans le sud du pays.

Ousmane Cissé est suspecté d’avoir pris part à l’organisation de deux tentatives de renversement du pouvoir à Niamey, alors qu’il était en poste à N’Djamena. La première, en mars 2021, avait donné lieu à des échanges de tirs non loin de la présidence nigérienne. Un mois plus tard, l’homme considéré comme le cerveau de l’opération, le capitaine de l’armée de l’air Sani Gourouza, avait été arrêté au Bénin et remis aux autorités nigériennes. Il est, depuis, en détention. Niamey n’a donné aucune précision sur les liens supposés entre Gourouza et Ousmane Cissé.

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Ce dernier est également suspecté d’avoir participé à la planification d’une deuxième tentative de putsch, au début de mars 2022, alors que le président Mohamed Bazoum était en visite officielle en Turquie. Ici encore, le secret reste de mise chez les officiels nigériens, qui n’ont dévoilé aucune information sur le coup d’État déjoué ou sur son niveau de préparation. Selon une source sécuritaire, c’est cependant cet événement qui a donné lieu à la convocation, puis à la mise en détention pour « atteinte à la sûreté de l’État », d’Ousmane Cissé.

Un policier de carrière, de Niamey aux Nations unies

Qui est donc cet ancien ambassadeur âgé aujourd’hui de 60 ans ? Amoureux de littérature, ancien des lycées de Tahoua et Kassaï de Niamey, Ousmane Cissé a d’abord étudié les lettres à l’université de la capitale nigérienne avant d’être nommé professeur de français à Tahoua, en 1988. Il reprend ensuite ses études en France, à Grenoble, avant de se diriger vers une autre institution française, l’École nationale supérieure de la police (ENSP). Il y obtient le grade de commissaire de police en 1992.

De retour au pays, il devient commissaire « de commune » à Niamey, directeur adjoint de la police de la Communauté urbaine de la capitale, puis directeur départemental de la police à Diffa. En 1997, il part travailler au sein des missions des Nations unies et se retrouve en poste en Haïti avant de revenir occuper les fonctions de directeur de l’École nationale de police du Niger, de patron du Centre de documentation d’État (renseignements nigériens), puis de directeur général de la police de 2000 à 2002, alors que Hama Amadou occupe la primature et Mamadou Tandja la présidence.

Ousmane Cissé a un temps été le gendre de Mamadou Tandja

Ousmane Cissé se marie d’ailleurs avec l’une des filles du chef de l’État, dont il divorcera quelques années plus tard. Durant plusieurs années, il alterne les affectations à l’étranger – au sein des opérations des Nations unies en Côte d’Ivoire (notamment à Bouaké, vers 2005), en RDC, en Centrafrique et au Tchad – avec des postes à Niamey. Ayant grimpé les échelons au sein du ministère de l’Intérieur au cours de la deuxième moitié des années 2000, il est surtout proche d’un homme : le commandant Salou Djibo.

Un proche de Salou Djibo

En février 2010, lorsqu’éclate le putsch qui met fin à la présidence de Mamadou Tandja et à la domination du Mouvement national pour la société du développement (MNSD), Ousmane Cissé – divorcé – est ainsi un membre de l’entourage de Salou Djibo, le chef d’escadron qui prend la tête du Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD). Selon plusieurs sources, les deux hommes se seraient ainsi connus au sein des réseaux des missions onusiennes et ont notamment tous deux officié, l’un dans l’armée, l’autre dans la police, en RDC.

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D’après des témoins, alors que Niamey était en ébullition, c’est Ousmane Cissé qui se serait chargé de rester en contact avec l’ancien Premier ministre du MNSD, Hama Amadou, alors que celui-ci, bien qu’en rupture avec Mamadou Tandja, craignait pour sa vie. Au lendemain du putsch de Salou Djibo, l’ancien chef espion est nommé ministre de l’Intérieur du gouvernement de transition du Premier ministre, Mahamadou Danda.

Un homme très surveillé

« À l’époque, il a soutenu l’option que préférait Salou Djibo, à savoir essayer de favoriser l’arrivée au pouvoir d’un parti qui ne serait pas le MNSD », explique un acteur de la transition. Après son élection lors de la présidentielle de 2011, le fondateur du Parti nigérien pour la démocratie et le socialisme (PNDS), Mahamadou Issoufou, le garde auprès de lui et en fait l’un de ses conseillers spéciaux, avec rang de ministre.

Selon certaines indiscrétions, l’homme restait cependant particulièrement surveillé par les services de renseignement. Le soupçonnait-on d’une trop grande proximité avec Hama Amadou, l’adversaire numéro un d’Issoufou ? Certaines sources en sont persuadées, et y voient d’ailleurs la raison de sa nomination à l’étranger, en 2017, comme ambassadeur au Tchad.

Sous la discrète surveillance des services de renseignement, l’ancien commissaire avait surtout, depuis, gardé contact avec Salou Djibo. Or ce dernier s’est présenté à l’élection présidentielle de 2020 face à Mohamed Bazoum, tandis qu’Ousmane Cissé soutenait discrètement son initiative afin de favoriser une alternance après deux mandats dominés par le PNDS. La justice nigérienne doit désormais se pencher sur le rôle présumé de « Loulou », son surnom, dans les deux tentatives de renversement du pouvoir, en mars 2021 et 2022.