Fleuve Mano – Saran Daraba Kaba : « À quatre pays, on fonctionne mieux qu’à quinze ! »

Saran Daraba Kaba, secrétaire générale de l’Union du fleuve Mano, est persuadée que sa région « peut devenir le poumon économique de l’Afrique de l’Ouest ».

Saran Daraba Kaba est à la tête de l’organisation depuis 2011. © Vincent Fournier pour J.A.

Saran Daraba Kaba est à la tête de l’organisation depuis 2011. © Vincent Fournier pour J.A.

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 19 mai 2014 Lecture : 3 minutes.

De passage à Paris après le sommet Union européenne-Afrique de Bruxelles, Saran Daraba Kaba sait que l’Union du fleuve Mano, dont elle est secrétaire générale et qui rassemble quatre pays d’Afrique de l’Ouest, manque de notoriété. L’organisation est née en 1973 avec la formation d’une union douanière entre le Liberia et la Sierra Leone, rejointe par la Guinée en 1980 puis par la Côte d’Ivoire en 2008. Mais "ces derniers temps, vous n’avez guère entendu parler de nous", reconnaît Saran Daraba Kaba lors de sa visite à J.A. En cause : les conflits qui ont endeuillé la région, mettant l’institution en sommeil pendant de longues années. Mais l’énergique patronne de l’organisation le garantit : "Les choses vont changer." Une certitude nourrie par un contexte désormais favorable.

"Ce sont les questions sécuritaires qui ont réveillé l’Union, centrée au départ sur la coopération économique", note la Guinéenne qui, à 68 ans, dirige à Freetown (Sierra Leone) un secrétariat d’une cinquantaine de fonctionnaires, financé à parts égales par les quatre pays membres. "Après la fuite de mercenaires [de Côte d’Ivoire] vers le Liberia, mi-2011, les deux chefs d’État Alassane Ouattara et Ellen Johnson-Sirleaf ont créé, à travers l’Union du fleuve Mano, les premières brigades mixtes de sécurité frontalière", rappelle-t-elle. Composées de policiers, de militaires, mais aussi de gardes forestiers et d’agents de santé originaires de deux ou trois pays, ces brigades sont aujourd’hui actives dans douze zones frontalières. "Grâce à cette coordination, notamment sur le plan médical, les frontières sont restées ouvertes entre nos pays malgré l’épidémie d’Ebola. Des États qui ne font pas partie de notre organisation, comme le Sénégal et le Mali, les ont au contraire fermées", note la secrétaire générale.

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Nommée à ce poste en 2011 par Alpha Condé, le président guinéen, Saran Daraba Kaba est loin d’être une inconnue. Ministre des Affaires sociales sous Lansana Conté, cette pharmacienne de formation a été la seule femme candidate à la présidentielle guinéenne de 2010. Elle connaît bien la région pour avoir présidé le Réseau des femmes du fleuve Mano pour la paix, influent en Guinée et au Liberia.

Elle refuse de considérer son organisation comme concurrente de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). "Nos partenaires, et en particulier la Cedeao, nous comparent aux pays fondateurs de l’Union européenne, qui formaient jadis un noyau. À quatre, on fonctionne mieux et plus vite qu’à quinze ! Nos cultures et nos tissus économiques sont proches, nous sommes complémentaires", soutient-elle.

Le prochain sommet de l’Union du fleuve Mano doit se tenir le 4 mai à Conakry et les quatre chefs d’État – "très en phase actuellement" – y seront présents. Outre les sujets sécuritaires, les infrastructures reviennent au premier plan. "Nous avons sélectionné 3 250 km de routes frontalières prioritaires qu’il faut réhabiliter et des projets pour produire 20 MWh d’électricité", précise Saran Daraba Kaba. Pour mener à bien ces dossiers, elle aura besoin d’argent. "Nous espérons obtenir un soutien financier de la Cedeao, du Programme des Nations unies pour le développement, mais aussi de l’Union européenne, l’un de nos partenaires historiques", indique-t-elle.

La secrétaire générale est persuadée que sa région "peut devenir le poumon économique de l’Afrique de l’Ouest". Le commerce entre le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée et la Côte d’Ivoire ne représente actuellement que 10 % des échanges de ces pays ; Saran Daraba Kaba entend porter ce chiffre à 40 % d’ici à dix ans.

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