Jeune afrique : Quel est le climat politique à la veille des élections ?
Khaled Daoud : Il ne s’agira pas d’élections parfaites. Mais avec l’épisode dramatique des Frères, à qui le peuple avait donné une chance, les choses ont pris un tout autre tour. En outre, si nous avons pensé qu’en renversant Moubarak le plus dur avait été fait, nous réalisons aujourd’hui que cet individu n’était qu’une partie d’un système qui a trente ans d’inertie. Et voilà que le candidat Sissi avoue de lui-même mettre les libertés au second plan…
Pourtant, l’opinion ne lui est-elle pas en grande partie acquise ?
Après trois années de chaos, de crise et de violence, le peuple est sensible à son discours sur le retour de l’ordre. Mais nous estimons que la crise est justement due au manque de démocratie, personne n’ayant à rendre de comptes sur le délabrement de l’économie. Et comment voulez-vous que certains opposants interdits de manifester ne se radicalisent pas, qu’ils soient Frères ou révolutionnaires ? Je remarque enfin qu’il y a dans ses mots des similitudes inquiétantes avec ceux de Moubarak, lorsqu’il se présente en sauveur du pays face au chaos, en militaire apte à convaincre l’armée de bien défendre la nation. Et comme les Frères prétendaient que ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux voulaient le retour de l’ancien régime, Sissi accuse tout esprit critique à son égard de vouloir détruire la nation.
Voyez-vous alors Sissi toujours en place dans trente ans ?
Je ne le pense pas. L’espoir démocratique incarné par Sabahi perdure, et la jeune génération, qui est plus consciente de ses droits que sous l’ancien régime, ne se laissera pas faire. Il sera difficile pour Sissi de tromper des millions d’Égyptiens, comme Moubarak a pu le faire, et la tenue même de ces élections, bien qu’imparfaites, reste le signe qu’un nouvel ordre se met en place. Il me reste une étincelle d’optimisme, ce n’est pas la fin de l’histoire.