Mali : ce que l’on sait sur le charnier de Niono

Après la découverte d’au moins 35 corps calcinés près de Dogofry, au sud-ouest de Nampala, plusieurs sources locales accusent l’armée, qui mène des opérations avec les mercenaires russes de Wagner dans la région. Mais les Fama démentent.

Patrouille de l’armée malienne entre Mopti et Djenne, en février 2020 © MICHELE CATTANI / AFP

Publié le 8 mars 2022 Lecture : 2 minutes.

Les images sont insoutenables. Au milieu de de la brousse, des corps calcinés, enchevêtrés, les mains parfois liées dans le dos. Plus loin, un autre corps, seul, lui aussi brûlé. L’homme qui filme avec son téléphone s’exprime en fulfulde puis en bambara. « Dieu est grand. C’est le travail de soldats. Ce sont des soldats qui sont responsables de ça. Dieu nous voit tous », souffle-t-il, horrifié.

Cette vidéo aurait été tournée le 2 mars dans la commune de Dogofry, à environ 80 km au sud-ouest de Nampala. En tout, 35 corps, brûlés la nuit précédente. La quasi-totalité de ceux qui ont été identifiés étaient des Peuls des environs. Un nouveau massacre contre cette communauté souvent assimilée par les Forces armées maliennes (Fama) aux groupes jihadistes qui écument le centre du pays.

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« Montée de toutes pièces »

Dans un communiqué diffusé le 5 mars, l’état-major général des armées a évoqué une « vidéo montée de toutes pièces » circulant sur les réseaux sociaux et « faisant état d’une exécution sommaire collective des Fama sur des populations civiles dans le secteur de Diabaly dans la nuit du 1er mars au 2 mars ». « L’état-major général des armées se porte totalement en faux contre ces allégations qui sont de nature à jeter le discrédit sur les Fama, respectueuses des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Les Fama ne sauraient être responsables d’une telle abjection et ces informations constituent de la désinformation », poursuit le texte.

C’était difficile de les identifier. Mais certains ont pu reconnaître leurs parents

Selon plusieurs sources locales jointes par JA, plusieurs individus qui revenaient d’une foire avaient été arrêtées le 20 février par les militaires maliens dans les environs de Niono. D’autres interpellations avaient aussi eu lieu dans des villages aux alentours de Nampala. Est-ce ces personnes qui ont été tuées dans la nuit du 1er au 2 mars ? « Plusieurs corps étaient ligotés. C’était difficile de les identifier, confie un habitant. Mais certains ont pu reconnaître leurs parents. Il y avait parmi eux des personnes qui avaient été arrêtées plus tôt à Niono. »

Ces derniers jours, plusieurs autres civils peuls ont été arrêtés dans deux autres villages proches de Nampala. Selon un habitant de la zone, au moins sept personnes y auraient été tuées.

Accompagnés par des Russes ?

Plusieurs associations locales tentent désormais d’identifier les victimes et ont établi des listes de personnes disparues ou arrêtées ces dernières semaines. Les habitants des environs, eux, voudraient les enterrer dès que possible. Mais les associations leur demandent d’attendre l’arrivée d’enquêteurs. L’armée malienne a annoncé qu’elle allait investiguer. La Minusma aussi. La mission de l’ONU au Mali s’est déjà emparée de l’affaire et devrait communiquer ses conclusions dans les semaines à venir.

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Si les Fama sont clairement pointées du doigt, certains suspectent aussi leurs nouveaux alliés de Wagner d’être liés à ces exactions. Selon nos informations, des mercenaires de la nébuleuse russe mènent des opérations conjointes avec les militaires maliens dans le cercle de Niono depuis fin janvier. « Les Fama sont accompagnées par des Russes dans la zone. Nous les voyons patrouiller ensemble », confirme une source locale.

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