Réveil brusque pour la capitale guinéenne. C’est, semble-t-il, la fin de l’euphorie qui régnait au sein de la classe politique guinéenne depuis le putsch de Mamadi Doumbouya contre Alpha Condé, le 5 septembre. Dans la commune de Ratoma, en banlieue de Conakry, les protestations ont commencé la nuit. Ce fief de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), le parti dirigé par Cellou Dalein Diallo, semblait chauffé à blanc avant même que le tribunal de Dixinn ne rende son jugement.

Sidya Touré (à g.) ; Cellou Dalein Diallo (à dr.) © Sidya Touré (à g.) ; Cellou Dalein Diallo (à dr.) Montage JA : Sylvain Cherkaoui pour JA ; Vincent Fournier/JA.
Les juges avaient été saisis par Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré, le leader de l’Union des forces républicaines (UFR), après que ces deux anciens Premiers ministres sous Lansana Conté ont reçu mi-février un préavis de la direction générale du Patrimoine bâti public leur intimant de quitter leur résidence personnelle au plus tard le 28 février à 10 h. Cette expulsion s’inscrit dans le cadre d’une vaste campagne de récupération des biens de l’État, engagée par les nouvelles autorités militaires. Papiers officiels à l’appui, Cellou et Sidya avaient en réponse multiplié les sorties médiatiques, écrit au Patrimoine bâti public et saisi la justice. Ils ont tenté de faire valoir leurs droits de propriété sur les domaines qu’ils ont rachetés à l’État en 1996, alors que le premier était ministre des Transports et le second Premier ministre de Lansana Conté. En vain.
Dans son jugement rendu tôt ce 28 février, le tribunal de Dixinn s’est déclaré incompétent dans les deux affaires, ce qui signifie qu’il estime ne pouvoir interférer dans la décision de l’État. Les deux plaignants ont sans attendre fait appel contre le jugement. Néanmoins, en attendant le réexamen de leurs dossiers, les leaders de l’UFDG et de l’UFR n’ont eu d’autre choix que de quitter les résidences qu’ils occupaient depuis deux décennies. Les clés des villas ont été récupérées par des huissiers, sous la supervision des colonels Balla Samoura et Sadiba Koulibaly, respectivement haut commandant de la gendarmerie nationale et chef d’état-major général des armées.
Le colonel Balla Samara, le Haut-commandant de la gendarmerie nationale, arrivant au domicile de @SidyaToureUFR ce lundi pour constater la libération effective des lieux par l'ancien Premier ministre. (📽️ #LouisDeFunès / Facebook) #Kibaro pic.twitter.com/qmOPQrvxHQ
— Thierno Diallo🇬🇳 (@cireass) February 28, 2022
« Déni de justice »
Les militants qui commençaient à se regrouper aux abords des deux résidences litigieuses, situées à Dixinn pour Cellou Dalein Diallo et à la Minière pour Sidya Touré, ont été dispersés par les forces de l’ordre déployées massivement dans la matinée. D’importants dispositifs sécuritaires mixtes (gendarmerie, police) étaient visibles le long de l’autoroute le Prince, une des principales artères publiques qui longent la capitale. La circulation était perturbée sur cet axe, notamment entre Hamdallaye-Bambéto-Cosa, pour cause d’accrochages entre protestataires et agents de sécurité.
« J’ai pris acte de la décision du juge […] en dépit des arguments développés par mes avocats », a réagi Cellou Dalein Diallo sur sa page Facebook, avant de dénoncer « un déni de justice au regard du droit positif guinéen en vigueur ». Il a ensuite indiqué avoir « libéré provisoirement [s]a résidence en attendant l’issue de la procédure judiciaire au fond que [s]es avocats viennent d’engager ».
Même son de cloche chez Sidya Touré qui « estime être victime d’injustice, malgré le fait qu’il a brandi des preuves irréfutables », selon son responsable de communication digitale, Fodé Baldé, joint par Jeune Afrique. « La maison qu’il occupait étant construite à ses frais, il estime que le Patrimoine bâti public n’a pas compétence à le déloger. Pour l’instant, il libère la résidence, mais compte poursuivre le combat judiciaire avec ses avocats. »