Politique

Il y a cinquante ans s’éteignait Kwame Nkrumah

Le dirigeant ghanéen s’est éteint le 27 avril 1972, six ans après sa chute. Dans « JA », l’écrivain Jean Lacouture évoquait alors la mémoire de ce chantre du panafricanisme.

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Mis à jour le 27 avril 2022 à 13:01

Le Premier ministre (et futur président) du Ghana se rendant à Buckingham Palace, à Londres, le 6 août 1958. © Fred Ramage/Keystone/Hulton Archive/Getty Images

Entre le fait et le mythe, il arrive que l’histoire hésite. Il se peut que le mythe soit plus fort et que Nietzsche ait raison contre Marx. L’homme qui vient de mourir à Bucarest, seul, presque oublié, six ans seulement après avoir été chassé du pouvoir, restera pour les historiens l’un des exemples les plus forts et des plus mystérieux de la puissance du mythe, tant qu’il s’incarne, se manifeste et se projette, et de son dépérissement dès qu’une personne ou une action cessent de le diffuser.

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Nkrumah surgit dans l’histoire africaine au moment même où, selon le mot de Nasser à propos du monde arabe, elle « attendait son héros ». Et pour limités que furent son génie, contestables ses visées, malhabiles ses comportements, il aura assumé, pendant près de dix ans, le rôle de héraut, héros que le destin et l’histoire lui offraient.

Il allait, drapé dans le « renté » jaune et violet, la démarche majestueuse et le front haut

Qui n’a pas connu Kwame Nkrumah, arrivant en octobre 1960 aux Nations unies, s’avançant vers la tribune où il allait prendre la parole – ah oui ! prendre, comme Alexandre prenait une ville… – n’a pas su ce que peut être le rayonnement d’un homme public, et le génie oratoire. Il allait, drapé dans le renté jaune et violet, la démarche majestueuse, le front haut, une sorte de sourire flottant sur les lèvres. L’élève de W.E.B. Du Bois, le compagnon de George Padmore, allait dire au monde assemblé, dont vingt chefs d’État, ce que l’Afrique attendait de lui et saurait exiger.

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