Au cours du mois de décembre 2021, le président de Piccini, Makonnen Asmaron, s’est discrètement rendu à Yaoundé. L’homme d’affaires italo-érythréen souhaitait poursuivre les discussions avec l’État camerounais pour trouver une solution à l’amiable au conflit qui oppose depuis plus de deux années son groupe au ministère des Sports et à la présidence.
Piccini accuse en effet les autorités de lui avoir retiré illégalement, en novembre 2019, sur instruction du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, le contrat de construction du stade d’Olembé, à Yaoundé, et d’avoir embauché pour la remplacer l’entreprise canadienne Magil. Le groupe espère donc obtenir réparation.
Il estime aussi avoir préfinancé de sa poche 26 milliards de francs CFA (près de 40 millions d’euros) – notamment pour la construction de préfabriqués en Italie et leur acheminement vers la capitale camerounaise – sans avoir été remboursé.
Discrets émissaires
Selon nos sources, ces deux dernières années, Makonnen Asmaron a sollicité de nombreuses connaissances pour tenter de convaincre Yaoundé de trouver une solution à l’amiable, sans passer, donc, par la case judiciaire. Il a notamment pris contact avec l’ancien Premier ministre Alain Juppé et, surtout, avec Alpha Condé, lorsque celui-ci était encore président de la Guinée, pour qu’ils plaident sa cause auprès de Paul Biya et l’aident à faire pencher la balance en sa faveur.
Si aucune avancée n’a pu être faite dans le dossier, l’Italo-Érythréen poursuit les négociations à Yaoundé avec le ministre des Relations extérieures, Lejeune Mbella Mbella. Le contrat initialement signé entre Piccini et le ministère des Sports camerounais faisait en effet partie d’un accord plus large de coopération entre le Cameroun et l’Italie, raison pour laquelle le dossier est aujourd’hui officiellement entre les mains du chef de la diplomatie.
Toutefois, c’est le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh, qui garde en réalité la main sur cette affaire stratégique. Celle-ci pourrait, si aucun accord amiable n’était trouvé, se jouer devant la Cour d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (CCI) de Paris. Piccini a en effet embauché un cabinet d’avocats milanais, lequel a ouvert, au second semestre de 2021, une procédure auprès de la CCI, sans toutefois demander le déclenchement de l’arbitrage.
Un volet canadien
Dans la même affaire du stade d’Olembé, le groupe Piccini est également en conflit avec l’entreprise canadienne Magil. Il accuse cette dernière d’avoir récupéré frauduleusement le contrat de construction, notamment en s’assurant les services de l’un de ses ex-employés, Benoît Fabre, lequel aurait fourni à la concurrence – en particulier au vice-président de Magil, Franck Mathière – des renseignements confidentiels.
Représenté par les avocats Louis Samuel et Ronald H. Levy, associés au cabinet canadien De Grandpré Chait, Piccini réclame à son adversaire plus de 44 millions d’euros de dommages pécuniaires et matériels, ainsi que cinq millions d’euros de dommages moraux. Si Magil a tenté de faire valoir l’incompétence des tribunaux canadiens dans cette affaire – qu’elle estimait devoir être jugée au Cameroun –, la justice du Canada a rejeté cet argument, et la procédure se poursuit.