26 janvier 2022. La Côte d’Ivoire et l’Égypte s’affrontent, dans une ambiance électrique, au stade de Japoma. Les 120 minutes de jeu de ce 16e de finale de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) n’ont pas suffi à départager les adversaires du jour, et c’est aux tirs aux buts que son issue se décidera. Le défenseur des Éléphants Éric Bailly s’avance pour le 3e tir de son équipe, des sifflets l’accompagnent. Les supporters ivoiriens retiennent leur souffle. Très bon en cours de jeu, le joueur s’élance et tente une panenka à gauche. Mais le gardien Gabaski détourne le ballon, avant qu’il ne s’échoue sur la barre.
Rempli en majorité de spectateurs camerounais, le stade exulte. La suite de la rencontre est une succession de tirs réussis. Elle s’achève par une victoire des Égyptiens 5 tirs à 4, dans une liesse généralisée. Sur le terrain, les Pharaons n’en reviennent pas de ce soutien providentiel. Des journalistes s’essayent à des explications. Difficile pour eux de comprendre le retournement de ce public qui s’était mobilisé quatre jours plus tôt pour porter la Côte d’Ivoire face à l’Algérie, toujours à Japoma. Au téléphone, les supporters ivoiriens ayant fait le déplacement décrivent cette hostilité à ceux qui n’ont pu se payer le billet et regardent le match à Abidjan ou Korhogo.
Susceptibilités nationales
Comme souvent en pareilles circonstances, les susceptibilités nationales ont très vite refait surface. Dans les minutes qui ont suivi la rencontre, des ultras ivoiriens ont désigné le public camerounais comme responsable de la défaite de leur sélection nationale. Accusé d’avoir « affecté le moral » des joueurs ivoiriens, le Cameroun a reçu une déferlante de commentaires négatifs provenant aussi bien de personnalités que d’anonymes. Il aura suffi d’une élimination pour donner le coup d’envoi d’une bataille rangée entre les supporters des deux pays. À cela près que pour les supporters camerounais, la poudre a été allumée bien avant ce match.
Après avoir soutenu les Éléphants face à l’Algérie, les Camerounais ont en peu goûté que de célèbres internautes ivoiriens s’associent au monde entier pour diminuer la victoire des Lions indomptables sur les Comores. Décimé par le Covid-19 et privé de son gardien titulaire, le Cameroun fut même un temps accusé – à tort – d’avoir trafiqué les tests Covid de l’équipe comorienne, avant que le président de la Fédération camerounaise de football Samuel Eto’o ne monte au créneau pour mettre fin à la rumeur. Une « ingratitude » que les fans des Lions ont décidé de faire payer aux Ivoiriens en soutenant en 16e de finale l’Égypte, équipe dont ils ont appris les paroles de l’hymne, « Biladi, biladi, biladi ».
Rendez-vous prix pour la CAN 2023
Il n’en fallait pas plus pour que le public ivoirien se rallie automatiquement aux adversaires de l’équipe du Cameroun. D’abord la Gambie – éliminée par le pays hôte en quart de finale –, puis l’Égypte. Ironie du sort, cette rencontre s’est, elle aussi, dénouée au cours de la séance fatidique des tirs au but.
À la fin de ce match remporté par les Pharaons 3 tirs à 1, des hordes de jeunes ont pris d’assaut les rues d’Abidjan pour exprimer leur joie. Des vidéos d’artistes en studio, chantant le désespoir camerounais sont devenues virale sur la toile, tout comme celle d’un individu brûlant le drapeau camerounais. Dans chacun des deux camps, des personnes se sont donnés pour mission de laver l’affront porté par l’autre.
Les leaders des communautés d’internautes ont bien lancé des appels au calme face aux dérives observées au cours de cette confrontation. Loin de là, les deux groupes de supporters promettent de solder leur différent lors de la prochaine CAN qui se déroulera en Côte d’Ivoire en 2023. Les Camerounais espèrent y remporter leur 6e trophée, tandis que les Ivoiriens leur promettent une élimination dès le 1er tour. Le hasard du football pourrait tout aussi bien opposer les deux sélections au cours d’un match. De quoi définitivement mettre fin à cette guerre de supporters ?