Politique

Sénégal : fausse discorde autour de l’homosexualité

Le collectif sénégalais « And samm jikko yi » égratigne le président Macky Sall sur la pénalisation des relations homosexuelles. Tous deux défendent pourtant peu ou prou la même ligne.

Mis à jour le 2 février 2022 à 10:20
Damien Glez

Par Damien Glez

Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.

Le président du Sénégal, Macky Sall, rappelle souvent sa position sur les pratiques homosexuelles. © Damien Glez.

Lorsqu’il s’agit d’exprimer publiquement sa position sur les relations homosexuelles, Macky Sall a de la suite dans les idées. Ce 27 janvier, devant l’association des imams et oulémas du Sénégal, le chef de l’État scandait : « Tant que je serai à la tête du pays, l’homosexualité ne sera pas dépénalisée au Sénégal. » Une position qu’il a, dans la foulée, rappelé avoir affirmée « lors de rencontres internationales à Dakar et à l’extérieur », notamment devant le Premier ministre canadien, Justin Trudeau, ou la tribune de l’Union européenne. Il s’était même « payé » l’icône Barack Obama sur ce thème, en 2013 à Dakar. Alors que le président américain jugeait que le mariage homosexuel était cohérent avec « le précepte de base que nous sommes tous égaux devant la loi », Macky Sall avait étrangement convoqué le débat sur la peine de mort pour renvoyer l’Américain dans les cordes. « Cela ne veut pas dire que nous sommes homophobes », avait-il précisé.

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Quel procès d’intention « And samm jikko yi » intente-t-il alors au chef de l’État sénégalais ? Composé de religieux musulmans, ce collectif pour la « préservation des valeurs » a dénoncé son intervention devant les théologiens et guides. Reprocherait-il moins au président sa position sur les actes caractérisés par la loi comme « contre-nature » que le simple fait d’avoir abordé la question ? À noter : la passe d’armes a lieu quelques semaines après le blocage, par le bureau de l’Assemblée nationale, d’un projet de loi visant à durcir les sanctions prévues par la loi contre l’homosexualité.

Tentatives d’« intoxication » ?

Selon la loi en vigueur, gays et lesbiennes sont passibles de peines de prison allant de un à cinq ans et d’une amende de 100 000 à 1 500 000 F CFA (de 152 à 2 287 euros environ). La proposition de loi rejetée le 7 janvier prévoyait dix ans de prison ferme et une amende de 1 à 5 millions de F CFA pour les personnes reconnues coupables de « lesbianisme, bisexualité, transsexualité, intersexualité, zoophilie, nécrophilie et autres pratiques assimilées ». Les tenants d’une répression plus sévère de pratiques « corruptrices de mœurs » imaginent-ils un calendrier inavoué du pouvoir ?

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Aux dires d’« And samm jikko yi », les imams et oulémas invités par Macky Sall ne « connaissent absolument rien » à ces questions et jouent « un double jeu ». Tendances complotistes ? Frustration de ne pas être invité au palais ? Concurrence à l’intérieur de la communauté musulmane ? Manifestement agacé par des tentatives d’« intoxication […] à la veille des élections », le chef d’État a catégoriquement conclu que « le débat de l’homosexualité ne devait plus exister au Sénégal ».